En battant Fribourg aux tirs au but, le RB Leipzig a remporté le premier trophée de sa jeune histoire. Le club de la firme Red Bull s’est imposé comme la 3e puissance du football allemand mais reste considéré comme un club artificiel.
Certes le front “anti-RB”, qui avait vu le jour au moment où le club a atteint la Bundesliga en 2016, n’est plus aussi fort. Mais, outre-Rhin, la cote d’amour du RB Leipzig reste au plus bas. Les divers messages et scénographies des fans du SC Friburg à l’occasion de la finale de la Coupe d’Allemagne le montrent. “Un club unique – Tout comme le football devrait l’être!” Voilà le message arboré samedi soir par les fans du SCF dans le Virage Est de l’Olympiastadion de Berlin. S’ils mettent logiquement en avant la qualité de “Traditionverein” de leur club de cœur fondé en 1904, ils pointent aussi implicitement le modèle du RB Leipzig. La franchise, tête de pont de la galaxie Red Bull aux mains du milliardaire Dietrich Mateschitz.
A la veille de la finale de la Coupe d’Allemagne entre le SC Fribourg et le RasenBallsport Leipzig, les fans du SC Fribourg se sont une nouvelle fois exprimés en détail au sujet de leur adversaire fondé en 2009, sur les ruines SSV Markranstädt, un club de 5e division situé aux alentours. Dans un long texte publié les jours précédent la finale, ils détaillent les raisons qui font que le RB Leipzig n’est toujours pas, et ne sera probablement jamais à leurs yeux, un adversaire “normal”.
Red Bull et le contournement des règles
“Les règles de la fédération de football de Saxe stipulent que “la réutilisation (…) des logos des clubs à des fins publicitaires est interdite”. Comment un logo avec deux taureaux rouges et une abréviation dans le sens du nom de l’entreprise peut-il ne pas être considéré comme de la publicité ?” interrogent dans leur texte les fans de Fribourg en ciblant les dirigeants de la Deutscher Fußball-Bund, la Fédération. “Et la DFB ? Ses représentants ont toujours laissé transparaître une attitude positive à l’égard du RBL. En y regardant de plus près, on peut en deviner la raison. Par exemple, Helmut Sandrock, l’actuel secrétaire général de la DFB, a été directeur général de Red Bull Salzbourg de 2006 à 2008. Un ancien dirigeant de Red Bull, plus haut responsable de la DFB et membre du comité directeur avec droit de vote ? Malheur à celui qui pense à mal.”
Le RBL et le SCF sont effectivement aux antipodes. D’un côté, un club démocratique et attaché à la règle du 50+1 qui empêche les investisseurs privés de posséder la majorité des voix; et de l’autre un club qui la contourne ostensiblement en étant la filiale footballistique d’une multinationale. “Selon cette règle, les investisseurs peuvent acquérir au maximum 49% des voix. Red Bull possède 99% du capital social et ce n’est que sur le papier que la majorité des voix est détenue par le RasenBallsport Leipzig e.V. Celui-ci ne compte en effet que 20 membres ayant droit de vote, tous issus de l’entourage de Red Bull.” Contrairement aux clubs historiques, les fans du RBL sont exclus des sphères décisionnelles.
Le “50+1” n’est pas la seule règle contournée par le RB Leipzig, celles de base encadrant la concurrence sont piétinées sans soucis. “Même si l’on raconte volontiers qu’à Leipzig, on fait du bon travail et qu’il faut le reconnaître, ce n’est pas la raison de son succès sportif. Sans le dopage financier massif, il n’aurait jamais été possible de partir de rien pour atteindre la Ligue des Champions. Dans quel autre pays un club voit-il ses dettes de 100 millions d’euros annulées par son investisseur? C’est ce qui s’est passé à Leipzig en 2020.” Pour les fans du SCF, le RB Leipzig usurpe sa place en Bundesliga.
Symptôme d’un football malade
La galaxie Red Bull offre un autre avantage conséquent au RBL, sur le marché des transferts. Le cas de Marcel Sabitzer recruté par Leipzig en 2014 avant d’être prêté dans la foulée au Red Bull Salzbourg, illustre le maillage dont profite le club-phare de la marque au taureau ailé. “Mais ce n’est pas seulement entre Leipzig et Salzbourg que les joueurs peuvent être déplacés de cette manière. Red Bull possède également le contrôle du FC Liefering, qui sert de club satellite au Red Bull Salzbourg. Cela s’explique par le fait que la deuxième équipe du Red Bull Salzbourg ne peut pas être promue en 2e division autrichienne où évolue le FC Liefering.”
Les fans du SC Fribourg sont connus pour avoir régulièrement affiché leur hostilité à ce football artificiel et copieusement arrosé par des milliardaires, dont le RB Leipzig est un symbole. “Les intérêts économiques prennent de plus en plus le pas sur ce que nous aimons tous dans le football et la fréquentation des stades. Des réformes fondamentales sont donc nécessaires.” Conscients que le RB Leipzig n’est qu’un symptôme de ce football malade, les fans du SCF réclament des réformes profondes, notamment une application conséquente de la règle 50+1 et la suppression des exceptions existantes. “Nous avons ici, grâce à la règle 50+1, probablement la règle la plus précieuse du football professionnel dans le monde entier. Nous ne laisserons pas des groupes comme Red Bull nous l’enlever.” Voilà qui est dit. Une victoire du SCF lors de la finale de la Coupe d’Allemagne aurait été un beau symbole dans cette opposition de modèles. Red Bull a gagné cette bataille, pas encore la guerre.
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