Pour Nahel, aucun “appel au calme”

(©Zakaria ABDELKAFI / AFP)

Alors que des émeutes populaires et massives répondent à l’assassinat du jeune Nahel par un policier, les joueurs de l’équipe de France ont publié un communiqué en forme d’appel au calme. Ceux qui avaient des doutes sont rassurés, les Bleus sont bien du côté de l’ordre.

Le temps de la violence doit cesser pour laisser place à celui du deuil, du dialogue et de la reconstruction“. Ainsi se termine le communiqué sorti par les joueurs de l’équipe de France ce 30 juin, au troisième jour des émeutes déclenchées aux quatre coins du territoire suite à la mort de Nahel. Ce jeune de 17 ans abattu à bout portant par un policier. Les médias font état de plus de 1300 interpellations pour mater la colère qui s’exprime dans les rues sous la forme d’émeutes et de pillages. Une colère par moment incontrôlable qui montre l’émotion suscitée par cette mort violente dont la vidéo a massivement été relayée. Une vie volée de plus par une police pleine de morgue, à l’image du communiqué belliqueux des syndicats Alliance et UNSA appelant à combattre les “nuisibles”. A travers ces mots d’une frange radicalisée de son bras armé, c’est le capitalisme qui durcit le ton.

Certains joueurs de l’équipe de France, dont Kylian Mbappé, avaient d’abord pris la parole sur les réseaux sociaux pour exprimer une émotion sincère devant ce drame. En plus de Rayan Cherki qui a dédié à Nahel son but lors de l’Euro U21, Jules Koundé est celui qui a eu les propos les plus forts, critiquant le rôle des chaînes d’information en continu. «Comme si cette nouvelle bavure policière ne suffisait pas, les chaînes d’information en continu en font leurs choux gras. Des plateaux déconnectés de la réalité, des “journalistes” qui posent des “questions” dans le seul but de déformer la vérité, de criminaliser la victime et de trouver des circonstances atténuantes là où il n’y en a aucune. Une méthode vieille comme le monde pour masquer le vrai problème. Et si on éteignait un peu la TV pour s’informer ? »

“Calme-toi jeune révolté, c’est pour ton bien”

Certains n’ont pas manqué de crier à l’irresponsabilité. Avec leur communiqué appelant au calme, signé “L’équipe de France” et posté préalablement sur le compte Instagram de Benjamin Pavard, les Bleus sont rentrés dans les clous républicains. Les internationaux signataires écrivent comprendre le fond, mais ne pas cautionner la forme. Leur contribution au rétablissement de l’ordre bourgeois s’inscrit dans la continuité de la mise en avant politique de l’équipe de France sous le régime d’Emmanuel Macron. “Ce sont vos biens que vous détruisez, vos quartiers, vos villes, vos lieux d’épanouissement et de proximité“, écrivent-ils. Cette démarche, pavée de bonnes intentions, illustre toute la condescendance et le paternalisme des appels au calme. Qui sont ces footballeurs pour chercher à éteindre cette colère digne et légitime? De qui servent-ils les intérêts quand ils appellent au calme? Certainement pas de la jeunesse à qui ils s’adressent.

Les révoltés, jeunes et moins jeunes, n’ont pas besoin qu’on les appelle au calme ou qu’on les somme de rentrer à la maison, comme on sifflerait la fin d’une récréation. Encore moins qu’on cherche à les culpabiliser, à l’image du communiqué des South Winners 87 – dont le leader s’était distinguée pour son soutien à Martine Vassal, candidate de droite à la mairie de Marseille en 2020 – en les accusant de salir la mémoire de Nahel. L’élan de solidarité exprimé par ces nuits de colère n’a besoin d’aucun interprète. Il est limpide. Comme en 2005 pour Zyed et Bouna ou en 2007 pour Mouhsin et Laramy, la besogne criminelle des forces de l’ordre, n’est pas passée comme une lettre à la poste. Ce qui s’exprime, c’est le refus d’être mis en joue, mutilé ou tué, le refus d’être prisonnier de ce quotidien sécuritaire étouffant. Et ça mérite, au minimum, un chaleureux soutien plutôt qu’un indécent appel à se calmer.

Édito n°65

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