Ce dimanche à 13h, le Stade Rennais accueille le PSG pour la 9e journée de L1. Un match devenu à haut risque une dizaine de jours après le vol de la bâche domicile des ultras Rennais du RCK. Si personne n’a officiellement revendiqué l’action, les yeux sont tournés vers les ultras parisiens.
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Quand le préfet d’Ille-et-Vilaine a annoncé autoriser, avec un encadrement drastique, le déplacement des supporters parisiens au Roazhon Park, certains sont tombés des nues. “Quand je lis que ceux de Marseille ne vont pas à Lille ou que ceux de Lyon ne vont pas à Saint-Étienne, compte tenu du contexte général du football français actuellement, et vu ce qui se serait passé entre les Parisiens et les Rennais, je suis un peu surpris de voir que les Parisiens ont été autorisés à venir pour ce match.” Ces mots de Bruno Genesio traduisent bien la tension qui entoure ce match de Ligue 1.
Ce dont le coach rennais parle, c’est le vol de la bâche domicile du RCK lors d’un véritable guet-apens tendu au membre du Kop chargé de la ramener chez lui, à l’issue du match contre Clermont, le 22 septembre dernier. La bâche domicile est “l’objet le plus sacré pour un groupe ultra” rappelle Sébastien Louis dans une interview pour Ouest-France. “Se la faire voler, de quelque manière que ce soit, est l’humiliation ultime.” Dans la tradition ultra, les groupes qui subissent cet affront cessent généralement leur activité, au moins de façon temporaire (ce qui ne signifie pas que les membres du groupe désertent le stade, mais qu’ils stoppent l’animation habituelle de la tribune). C’est la décision prise par le RCK, à l’aube de célébrer ses 30 ans – le timing du vol est loin d’être anodin. Si pour beaucoup il s’agit d’un coup d’ultras parisiens, il faut préciser que le vol n’a jusqu’ici été revendiqué par personne.
Des premières escarmouches à la forte animosité
Il existe effectivement une rivalité entre le Roazhon Celtic Kop 1991 (RCK) et les Nautecia Paris 2012 (NTC), et elle ne date pas de la semaine dernière, ni du vol de la bâche emblématique des ultras rennais. Le monde des tribunes populaires en général, et le mouvement ultra en particulier, est structuré autour d’un entremêlement de rivalités, et d’amitiés. Sans chercher à remonter à des temps pour lesquels nous manquons d’infos, on peut affirmer sans prendre trop de risques qu’ultras rennais et parisiens se cherchent depuis quelques années. La saison 2017/18 – où le Stade Rennais et le PSG s’étaient joués trois fois au Roazhon Park (en championnat, en Coupe de France et en Coupe de la Ligue) – avait donné lieu à des escarmouches entre le RCK et le Collectif Ultra Paris (CUP), et des messages envoyés par tribunes interposées.
Le 16 décembre 2017 en L1, la Tribune Mordelles avait ouvert les hostilités par un tifo avec Maître Yoda ciblant la richesse artificielle du club de la capitale: “Personne par l’argent, grand ne devient”. Les ultras parisiens répondront un mois plus tard en Coupe de la Ligue, exhibant dans le parcage une banderole “RCK, la menace fantôme”, un message avec la même référence à la saga Star Wars. “Et il est mort le Parc des Princes” ripostera le RCK en chantant. On reste ni plus ni moins dans les cadres de la rhétorique provocatrice et chambreuse des tribunes. Pas de quoi fouetter un chat au pays des ultras. Mais cette rivalité assez soft va connaître une montée en puissance à l’occasion de la finale de Coupe de France 2019, se cristallisant autour du groupe des Nautecia, né dans le contexte des années de lutte pour le retour des ultras au Parc, après la dissolution des groupes historiques d’Auteuil et de Boulogne, et du Plan Leproux. Les NTC sont une des composantes du Collectif Ultra Paris depuis 2016.
RCK vs NTC, une vraie rivalité d’ultras
Ce soir de 27 avril 2019, avant la finale au Stade de France, lors d’un affrontement rapide, une trentaine d’ultras parisiens des NTC avaient été mis à mal par une cinquantaine de membres du RCK accompagnés de quelques “indeps”. Les réseaux sociaux spécialisés qui relaient les affrontements entre supporters donnent les Rennais vainqueurs. Dès le 18 août 2019, le Stade Rennais reçoit le PSG et le RCK déploie un message: “27.04: A la fin Casper gagne”. Référence directe à la baston de la finale et à la “menace fantôme”.
C’est à la faveur de la qualification européenne du Stade Rennais en Europa League que les ultras parisiens vont tenter de nouvelles approches, relativement infructueuses. Le hasard du tirage au sort des poules a mis le Celtic sur la route du SRFC. Or, les Bhoys du Celtic – fondés en 2015 – sont liés par une amitié solide avec les Nautecia. Les NTC avaient d’ailleurs bâché en parcage, à côtés de leurs amis, lors de la venue du Celtic au Roazhon Park. Il y aurait eu à l’issue du match quelques charges menées sur les fans écossais. Certains ultras parisiens s’étaient aussi rendus à Glasgow pour en découdre avec leurs rivaux rennais à l’occasion du match retour.
Philosophie du vol de bâche
Toujours est-il qu’ils seront 650 supporters parisiens à être autorisés à prendre place dans le parcage. Une des craintes exprimée, c’est de voir la bâche du RCK, où du moins un bout, être exhibée lors du match par les ultras parisiens. Type de mésaventure qui avait mis le feu aux poudres à la Mosson en septembre 2018, quand les Gladiators Nîmois avaient sorti un morceau de la bâche domicile de la Butte Paillade 91, volée par effraction dans leur local quelques mois plus tôt. Des méthodes souvent jugées déloyales ou manquant de courage. “La philosophie du mouvement ultra, c’est de s’approprier la bâche de l’autre dans un affrontement à main nue, dans la rue, pas de cette manière” précise Sébastien Louis, relayant les débats suscités par l’histoire du vol de la bâche du RCK, sur les forums et les réseaux sociaux.
Mais il faut aussi reconnaître que c’est de plus en plus rares, tout comme les contacts entre supporters rivaux, du fait d’un encadrement resserré des déplacements voire de leur fréquente interdiction. Les ultras rusent alors souvent pour affirmer leur supériorité. Les Rennais, bien placés pour le savoir, avaient aussi volé par effraction les différentes bâches du Malherbe Normandy Kop (MNK) de Caen, en février 2018. Une d’entre elles a même été ressortie en 2020 lors de Guichen (N3) – SM Caen (L1), en Coupe de France. Certains se sont alors demandés si le vol récent de la bâche des Rennais n’était pas une action de représailles menée par des ultras caennais. Alors qui a volé la bâche du RCK ? La réponse peut venir dans un jour, un mois, voire plus encore.
Quatre personnes présentées par les enquêteurs et les médias comme des membres des Karsud (ce que les intéressés contestent) ont été interpellées en février 2022. Leur procès, initialement prévu le 15 juin, a été renvoyé au 30 novembre 2022. (Source: Ouest-France)