Ligue 1 et Covid-19: une histoire de comité de pilotage

La fine équipe

A l’arrêt total sur les terrains à cause de la pandémie de coronavirus, le football ne cesse d’agiter les dirigeants de clubs en coulisses. Alors qu’on parle d’importantes pertes financières à venir, qui sont pour l’instant estimées à 400 millions d’euros en cas d’arrêt définitif de la saison. Le Bal des Charognes continue.

Chez les bourgeois la solidarité de classe existe aussi, mais dans certaines limites. Leurs intérêts communs s’arrêtent souvent à la taille du gâteau qu’il faut se partager. La crise du coronavirus allant sacrément diminuer le magot, certains patrons transpirent à grosses gouttes face à l’ampleur des dégâts à venir sur leur trésorerie.

Faute de matchs, le football sous Covid-19 se résume aujourd’hui au monde de l’entreprise qui est derrière. C’est Dallas et son univers impitoyable. La loi du plus fort reprend ses droits. Car tous les clubs ne sont pas égaux devant la crise. Ceux dont les sources de revenus sont le moins diversifiées, et qui dépendent principalement des droits télé et de la billetterie, sont beaucoup plus fragiles. Alors les crocs s’aiguisent. Après tout, le foot c’est les affaires et dans les affaires il n’y a pas d’amis.

Tentative de putsch

L’épisode récent du « comité de pilotage » nous le rappelle. Si l’explosion façon puzzle a été évitée, la fissure au sommet du football français s’est encore agrandie sous les coups de boutoir des dirigeants des clubs les plus influents : le PSG, Lyon et l’OM. Et, même si ça n’a été qu’un pétard mouillé, avec ce fameux « comité de pilotage de crise » lancé ce vendredi 20 mars à l’initiative de Première Ligue*, c’est une jolie petite disquette qu’un petit cartel de dirigeants a voulu mettre à tout les autres. Même si ça reste un non-événement, il nous dit beaucoup sur les capitalistes du football.

C’est donc l’histoire d’un comité de pilotage, volontairement « limité à sept membres pour bien travailler » selon les mots de Bernard Caïazzo, président de Première Ligue et co-président de l’AS Saint-Étienne. Moins un membre, car Claude Michy, président du club de Clermont et de l’UCPF (organisation patronale regroupant les autres clubs professionnels), a décidé de décliner l’invitation, jugeant le regroupement loin d’être représentatif. En plus de Caïazzo, le dit comité est formé de Jean-Michel Aulas (OL), Nasser El-Khelaïfi (PSG), Jacques-Henri Eyraud (OM), Noël Le Graët (président de la Fédération) et Didier Quillot (secrétaire générale de la Ligue). Que du lourd comme on dit ! Un peu trop même pour que le tour de force des cadors de la L1 passe inaperçu. Dans un mail leur étant adressé, Bernard Caïazzo a eu beau défendre « l’approche démocratique » de ce comité, les autres présidents de club n’ont pas apprécié cette petite sauterie organisée dans leur dos, comme par des putschistes en campagne pour sauver les intérêts de leurs clubs avant tout.

Nul doute que pendant trois jours les téléphones ont beaucoup chauffé poussant les trois gros bras du championnat et leur adjoint Caïazzo à réviser leur projet repris en main par la LFP et la présidente Boy de la Tour. Finalement, de « comité de pilotage », il y en aura bien un, et c’est le bureau de la LFP qui en fera office. Le plan de travail pour faire face à la crise se décline en trois axes : les divers scénarios de reprise, la trésorerie à court terme et enfin la question des joueurs (appelée « dialogue social »).

Même si le communiqué de la LFP tente de sauver la face en disant le contraire, la bourgeoisie du foot français sort toujours plus désunie de cet épisode. Logique, encore plus en temps de crise. Et quelque part, très instructif. De fait, alors que la situation que nous vivons actuellement exige de la solidarité, elle nous montre l’exact inverse. Les patrons de clubs qui feront porter une partie du coût de cette crise sur les épaules de leurs salariés, comme tous les patrons, nous disent qu’ils n’hésiteront pas non plus à se faire des croche-pattes entre eux si ça leur permet de faire quelques billets. C’est leur carte de visite.

Édito n°20

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