Les réunions entre différents ministères et instances du football français ont livré les premières mesures qui vont être prises pour durcir la gestion des débordements dans les stades. Alors que les supporters ont été évincés des discussions, la voie répressive est sans surprise privilégiée.
Le terrain était préparé depuis de longues semaines. La communication gouvernementale et les saillies répétés de journalistes mainstream avaient largement œuvré à créer un climat délétère de stigmatisation des tribunes populaires, de surenchère dans le discours répressif et de parallèles gênants avec la situation en Angleterre à l’époque de Thatcher. Et voilà comment on se retrouve avec une série de mesures sécuritaires, à court, moyen et long terme, qui viennent inutilement amplifier l’arsenal répressif existant, déjà l’un des plus durs d’Europe.
Toutefois, il n’y a pas eu d’annonce fracassante. Certains habitués des plateaux de la chaîne L’équipe seront probablement déçus. Malgré leur intense lobbying: pas d’interdiction à vie, ni d’interdiction de déplacement jusqu’à la fin de la saison (les préfets apportent suffisamment de garanties sur les interdictions de déplacements). Du moins pas tout de suite. Car dans la séquence que nous vivons depuis le début de la saison et le retour des supporters dans les stades, la stratégie consiste à instrumentaliser les quelques débordements en tribune montés en épingle – on parle à peine d’une dizaine de matchs – pour justifier un durcissement répressif global contre le supportérisme radical. On n’est donc à l’abri de rien. Car même si en façade le gouvernement se dit hostile aux sanctions collectives, elles sont complémentaires, dans son approche, du renforcement des sanctions individuelles auxquelles il œuvre. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les incidents survenus hier soir au Stade Charléty lors du match de Coupe de France entre Paris FC – Olympique Lyonnais, tombent au plus mal.
Vers une utilisation débridée des interdictions de stade
La veille de ce match, le site internet du ministère de l’Intérieur rendait compte des premières mesures “concrètes” sorties des différentes réunions organisées pour renforcer “la lutte contre les violences dans les stades“. Menées par le ministère de l’Intérieur, ces réunions ont aussi impliqué le ministère de la Justice ainsi que celui regroupant l’Éducation nationale, la Jeunesse et les Sports, et bien sûr les deux principales instances du football français: la FFF et la LFP. Tout dans la constitution de ces réunions, qui ont sciemment mis à l’écart les représentants des supporters, annonçait que la voie qui allait être privilégiée serait celle d’un durcissement répressif. Seules la nature et l’intensité de ce durcissement sont en jeu. La place déjà mince laissée au dialogue et la prévention, se trouve réduite à peau de chagrin.
L’action du gouvernement et des instances va tourner autour du renforcement de plusieurs axes, notamment la palette d’interdictions de stade déjà existante et jugée “suffisante”. Sans blague! Rappelons que ces interdictions peuvent être prononcées par trois sources différentes: par la justice, par les préfets et directement par les clubs. A l’heure actuelle, quelques 445 supporters sont déjà interdits de stade actuels (tout type confondu). Visiblement pas assez pour ces messieurs dames des ministères. “Ainsi, de façon immédiate, un rappel sera fait aux autorités quant aux possibilités offertes par les textes existants : étendue du champ d’application potentiel des interdictions, systématisation des obligations de pointage, nécessité d’inscription au fichier des personnes recherchées (FPR)…” La création d’une amende forfaitaire est aussi à l’étude. Manière de frapper les supporters au portefeuille.
L’autre mesure “forte” issue de ces réunions, c’est la directive donnée en matière d’interruption des matchs qui sera systématisée “lorsqu’un arbitre ou un joueur est physiquement blessé par un projectile issu des tribunes“. Probablement la mesure la plus consensuelle, mais il s’agit surtout d’une clarification de la procédure censée éviter désormais les cacophonies où tout le monde se renvoie la balle comme lors de Nice – OM ou de Lyon – OM, ou les éventuelles pressions sur le corps arbitral.
On s’enfonce un peu plus dans l’expérience sécuritaire
Bien entendu, un axe est également consacré à la sécurisation accrue des stades. Si à plus long terme, “la mise en place de tourniquets de pleine hauteur et bloquants” est annoncée, d’autres décisions inévitables vont entrer plus vite en vigueur. Les clubs de L1 et L2 vont ainsi se voir, dès la saison prochaine, contraints par le règlement de la LFP de disposer de filets anti-projection et de dispositifs anti-intrusion. Ils seront utilisés “au cas par cas” et sur “préconisation des préfets“.
Quant à la vidéo-surveillance, un audit va être lancé par la LFP dans le but d’augmenter la qualité des systèmes. Les mots “reconnaissance faciale” ne sont pas utilisés, car ça impliquerait des modifications législatives. Mais on craint de les lire en filigrane. Et bien sûr, le terrain ne semble jamais avoir été aussi bien labouré pour voir la mise en place au sein des clubs d’une billetterie nominative à laquelle les groupes de supporters ont toujours été farouchement opposés.
Mais il semble bien que le virage assumé ces dernières semaines par le gouvernement est de ne plus considérer les représentants des supporters comme des interlocuteurs crédibles. Une cellule de coordination censée se réunir mensuellement a été mise sur pied pour suivre la mise en place des différentes mesures. Puisqu’il faut faire semblant de prendre en compte leur avis, les supporters y seront associés “deux fois par an”. C’est le cadre répressif des prochains mois qui a été posé. Et la marge de manœuvre des groupes de supporters s’est restreinte.
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