14 juin 1925: le football catalan réprimé par la dictature de Primo de Rivera

Camp de les Corts ©Webdelcule

Depuis 1923, l’Espagne est sous le joug de la dictature militaire de Primo de Rivera. Les premières années sont particulièrement sanglantes pour le prolétariat révolutionnaire, notamment la CNT anarco-syndicaliste. Les clubs de football aussi, vecteurs de culture ouvrière ou supports au catalanisme, auront à subir les foudres du régime fasciste. Il a par exemple suffit que l’hymne espagnol soit hué par le public du stade du Barça pour déchaîner les foudres des autorités.

Depuis l’interdiction par la dictature de son écusson historique, le CE Jupiter dispose d’un écusson où toute référence à l’identité catalane a été effacée. ©FootballCitizens.com

Le 24 juin 1925, Joaquin Milans del Bosch, gouverneur de Barcelone, convoque la presse pour annoncer les sanctions prises à l’encontre du FC Barcelone. Le régime dictatorial ne digère pas que, dix jours plus tôt, l’hymne espagnol ait été conspué par le public présent dans le stade. Il charge le club blaugrana et fustige le « manque de courtoisie et le mépris » qui ont accueilli la Marcha Real, jouée par la Royal Navy britannique, lors du match amical opposant le FC Barcelone et le CE Júpiter le 14 juin 1925. Un match organisé au Camp de les Corts (stade du Barça), en hommage à l’Orfeó Català, une chorale qui joue alors un rôle majeur dans la diffusion de la culture catalaniste.

Sur le terrain, le Barça l’emporte aisément 3 à 0. Mais quelque chose de plus important que le score se passe dans les tribunes, où 14 000 personnes ont pris place. Les huées dirigées contre l’hymne national espagnol deviennent l’événement principal qui va être instrumentalisé par les autorités policières pour réprimer les deux clubs catalans. Milans de Bosch parle d’un « inqualifiable affront à la patrie ». Une humiliation d’autant plus dure à encaisser par le régime dictatorial qu’elle a eu lieu en présence des militaires britanniques.

Les deux clubs, qui portent haut les couleurs catalanes, venaient respectivement de remporter les championnats catalans de 1ere et 2e division. Si le Barça est plus un fleuron de la bourgeoisie républicaine et libérale, le CE Jupiter est le club du quartier ouvrier de Poblenou, où vivent de nombreux anarchistes. Mais les deux clubs sont liés par leur opposition farouche à la dictature. Dès 1924, l’écusson du CE Júpiter, arborant les couleurs du drapeau catalan avec une étoile bleue, avait d’ailleurs été interdit par le régime.

Le FC Barcelone qui organisait ce match se voit suspendre en conséquence six mois de toute activité. L’Orfeó Català sera aussi suspendu. Par ailleurs, le président Joan Gamper, suisse de naissance, est expulsé du pays malgré de vaines tentatives de jouer la carte du malentendu. L’arrivée à la tête du club, en décembre 1925, d’Arcadi Balaguer, bien vu du roi Alphonse XIII, va permettre d’obtenir une réduction de la sanction. La Fédération Catalane elle, attendant de savoir si le Barça y participerait, repoussera le début de l’édition 1925/26 du Championnat.

Dans l’histoire du club, cet épisode est un moment fondateur. Le président Suñol, fusillé en 1936 par les franquistes, raconta que c’est à cette occasion qu’il se rendit compte du lien fort qui existait entre le stade et la rue. Le CE Júpiter a donné encore plus de sens à cette idée en étant un appui solide aux ouvriers anarchistes qui répondront, les armes à la main, au soulèvement franquiste du 19 juillet 1936.

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