Le Boxing Day, un emblème du football commercial

La célébration, le 26 décembre, du Boxing Day – littéralement le « jour des boîtes » – daterait de la première moitié du 19e siècle. Aujourd’hui, si le Boxing Day fait partie du folklore du football britannique, il s’agit surtout d’un moment emblématique du foot business.

Si selon certains historiens, la tradition du Boxing Day remonterait au Moyen-Age, où le 26 décembre une boîte était posée à la sortie des églises pour récolter de l’argent destiné aux plus démunis, celle célébrée aujourd’hui est plutôt associée au 19e siècle. A cette période, les familles riches donnaient congé à leur domestiques et personnels de maison le 26 décembre. Il s’agissait même de leur seul jour de congé de l’année. Alors, pendant que leurs patrons s’encanaillaient dans une folle partie de chasse à courre, beaucoup se retrouvaient pour jouer au ballon, improvisant des sortes de derby « corpo » avant l’heure. Plus tard, ce jour-là les travailleurs et travailleuses prirent l’habitude d’aller au stade.

Face à l’essor de la classe ouvrière et de sa combattivité, les autorités jugèrent nécessaire d’encadrer les loisirs des populations urbaines, parmi lesquels le match de football est de loin le plus populaire. Le bon vieux “du pain et des jeux”, Panem et circenses, réinventé par l’Angleterre victorienne.

Les anciens loisirs populaires, issus du Moyen-Age, étaient souvent synonymes de gros désordres publics, comme par exemple les carnavals ou encore les parties de mob football, qu’on peut traduire par “football de masse”. Le déplacement d’un grand nombre de ruraux vers les centres industriels contribua à leur disparition progressive, même si juridiquement c’est l’Highway Act de 1835 qui scella leur sort. Les jeux de balle ne pouvaient plus désormais que se pratiquer sur des terrains clos dédiés à cet effet.

Une tradition débutée en 1860 à Sheffield

Le premier match du Boxing Day de l’histoire fut le derby entre Hallam FC et Sheffield FC, sur l’historique ground de Sandygate Road, à Crosspool, en 1860, soit près de trente ans avant l’instauration du professionnalisme. Le petit peuple de Sheffield qui y assista ne se doutait pas que ce match inaugurait une tradition qui, près de 160 ans plus tard, existerait toujours et aurait même acquis une réputation de journée autant prolifique en buts qu’en achats. Les matchs du Boxing Day, prirent encore plus de poids avec la création de la Premier League, championnat professionnel de football, en 1888. Dès sa création, il est acquis que le 26 décembre, jour férié depuis 1871 en Angleterre, on joue au football.

Aujourd’hui, au-delà du folklore qui voit une armée de supporters déguisés en Père Noël dans les tribunes, quand on parle du Boxing Day, on parle surtout de chiffre d’affaire. Le 26 décembre est un jour de soldes et les magasins sont autorisés à ouvrir plus tôt et à fermer plus tard. Il s’agit d’une journée fructueuse pour les commerçants, un temps fort semblable au Black Friday aux États-Unis. Dans le football, pour les dirigeants des clubs de Premier League, il s’agit aussi d’une journée importante sur le plan du business. Pour beaucoup d’Anglais, c’est la seule occasion de l’année de se rendre au stade en famille. Alors ce jour-là, le taux de remplissage des stades avoisine les 100%. Hormis le football, il y a aussi du rugby à XIII ou encore des courses de chevaux ou de lévriers. Bref, il y en a pour tous les goûts.

Cadences infernales

Jusque dans les années 50, avant que ce match soit supprimé faute de public, on jouait aussi le 25 décembre lors du Christmas Day, souvent sous la forme de derbys aller-retour sur deux jours. Aujourd’hui, le Boxing Day reste une journée de championnat où sont traditionnellement programmés des derbys ou au moins des déplacements courts. La suppression du match du 25 décembre a eut pour effet de renforcer, voire d’institutionnaliser le Boxing Day mais pas vraiment de supprimer les cadences. Les joueurs se voient en effet imposer un rythme frénétique entre le Boxing Day et le troisième tour de Cup lors du premier week-end de janvier. Beaucoup de coachs y sont hostiles par rapport à l’impact que ces enchaînements de matchs peuvent avoir sur l’organisme des joueurs.

Nous allons tuer les joueurs, déclarait même Pep Guardiola en janvier 2018. Je sais qu’ici en Angleterre, le show doit continuer, mais ce n’est pas normal! Ils jouent onze mois d’affilée. Il faut penser aux artistes. Je sais que cela ne changera pas, mais pourquoi? Le monde survivrait si on ne jouait pas tous les deux jours.” Mais la voix de Guardiola ne pèse pas grand-chose face aux diffuseurs et leurs livres sterling sonnantes et trébuchantes. Comme le dit l’historien du foot Martin Johnes: “Peu importe ce que demandent les joueurs, la Premier League va toujours privilégier l’argent.”

Amazon fond sur le Boxing Day

L’argent, il vient en grande partie des chaînes de télévision qui achètent à prix d’or les droits de retransmission des matchs. Pour la période 2019-2022, la Premier League les a encore négocié à hauteur de 5 milliards d’euros avec Sky Sports et BT Sports. Le lot concernant le Boxing Day a été rafflé par Amazon qui cherche à élargir son influence et qui, par cet achat, a mis un pied dans le championnat le plus riche du monde. Logique. Ce n’est donc pas demain la veille que les joueurs connaîtront les joies reposantes d’une trêve hivernale en Angleterre, longtemps le seul pays où on joue au football pendant les fêtes de Noël.

Avec cette tradition ancrée depuis plus d’un siècle, la Premier League dispose d’un boulevard, pour ne pas dire un quasi monopole, face à ses concurrentes européennes en terme d’offre télévisuelle sur cette période. Si bien que d’autres championnats, parmi ceux du Big 5, comptent s’y mettre aussi. Cette année, c’est la Ligue italienne qui est la première à sauter le pas et espère booster ses recettes en programmant sa 18e journée de Série A le 26 décembre, un jour également férié dans la péninsule. En attendant les autres. Tout ça pour la beauté du sport, bien entendu.

 

 

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