City of Liverpool FC, des violets au pays des Reds et des Blues

(©www.cityofliverpoolfc.co.uk)

A la différence de son voisin de l’AFC Liverpool, le City of Liverpool FC n’est pas lié aux supporters des Reds. Ni d’ailleurs à ceux d’Everton. Entre le rouge et le bleu, pour mieux affirmer sa singularité et sa neutralité dans la rivalité footballistique de la ville, la club a opté pour le violet. Appelez-les The Purps.

Le cœur des habitants du Merseyside bat généralement pour le club de Liverpool ou celui d’Everton. Même sans les concurrencer, vouloir faire exister au milieu de ces géants historiques du football britannique un club appartenant à ses supporters, est un objectif sacrément ambitieux. Mais les fondateurs du City of Liverpool FC croient dur comme fer dans ce projet qu’ils ont pris le temps de laisser maturer. Les premières réunions préparatoires remontent à octobre 2014. Un calendrier de 21 mois a été établi pour tout mettre en place, l’objectif étant d’avoir une équipe sur le terrain en North West Counties Football League en août 2016.

Le troisième club de Liverpool

Après avoir envisagé des noms comme Liverpool City FC et Merseyside FC, il a finalement été décidé de l’appeler City of Liverpool FC, ou CoLFC en version abrégée. Et comme couleur principale, le club opte pour le violet. La tentation d’y voir l’addition du rouge du Liverpool FC et du bleu d’Everton est grande, même si la raison principale invoquée par les fondateurs du club est simplement que le violet est la couleur du conseil municipal de Liverpool. Confirmation que la naissance du CoLFC exprime une volonté d’exister indépendamment des deux clubs professionnels de la ville qui incarnent, en dépit de leur popularité, ce football toujours plus déconnecté de la réalité sociale, symbolisé par ses prix de plus en plus inaccessibles.

Le maillot “domicile” des Purps pour la saison 2022/23. Totalement auto-produit sous la propre marque du club “Partisan”. Le club le propose à la vente au prix de £24.99 (£36.99 pour le kit complet).

Dans un article daté de 2015, le Guardian mettait en avant cette dimension alternative. “Le CoLFC estime qu’en raison du prix des billets et de la demande de places à Everton et à Liverpool, la nouvelle génération de supporters de football n’a pas accès à l’expérience des jours de match et à une équipe qui leur appartienne. Au cours du dernier quart de siècle environ, le football de haut niveau est passé d’une expérience quotidienne que la plupart des couches de la société pouvaient se permettre de vivre à quelque chose qui ressemble davantage à un plaisir occasionnel. Comme l’explique Stuart Fitzgerald, un habitant d’Everton et l’un des fondateurs du CoLFC, emmener sa famille à un match à Goodison coûte aujourd’hui plus de 200£, rien que pour les billets.”

Au début des années 90, une place dans le Kop d’Anfield coûtait 4£ contre environ 60£ aujourd’hui. C’est déjà cette triste réalité qui avait conduit en 2008 des fans des Reds, mécontents de l’augmentation du prix des places, à créer l’AFC Liverpool. Parmi les modèles du CoLFC, on trouve forcément le FC United of Manchester, né en protestation du rachat de Manchester United par le milliardaire Malcolm Glazer en 2005. Véritable exemple pour la plupart des clubs d’actionnariat populaire, ou fan-owned clubs en Angleterre, le FCUM enseigne tout le champs des possibles d’un tel modèle. Les deux équipes qui ont rendez-vous le 26 juillet en amical, entretiennent d’ailleurs de bons liens. Elles se sont déjà affrontées en septembre 2020 pour un match de pré-saison qui s’était terminé sur un score de parité (1-1).

Un fan-owned club singulier

Depuis le début, à l’image de son homologue mancunien avec Broadhurst Park, le CoLFC est en quête de son propre terrain à l’intérieur du borough de Liverpool. En 2018, il avait signé un accord d’exclusivité pour l’acquisition d’anciens champs en piteux état à Fazakerley dans le but d’y construire une enceinte de 5000 places avec quatre tribunes. En 2020, la faisabilité du projet était toujours à l’étude. Faute de mieux, les Purps partagent depuis six ans le stade de clubs voisins, principalement le Bootle FC. En parallèle, le club a repris le complexe sportif King George V à Huyton – rebaptisé “Purple Hub” – pour y installer son nouveau centre d’entraînement. Les installations sont aussi mises à disposition d’autres clubs sportifs locaux. L’idée est qu’elles puissent bénéficier le plus largement possible à la communauté via des cours de fitness, du walking foot ou d’autres activités sportives en soutien aux réfugiés.

Design du futur stade des Purps proposé par le Studio RBA en 2018. Depuis le projet est en stand-by. (©Studio RBA / Liverpool Echo)

Malgré un modèle de gestion démocratique semblable et un même objectif de rendre le football aux fans, le City of Liverpool FC tient à sa différence et se défend d’être un protest club. Paul Manning, l’un des co-fondateurs du club, l’expliquait à So Foot en mai 2016. “La plupart des clubs fondés et possédés par des supporters au Royaume-Uni le sont dans un but de protestation, comme le FC United of Manchester, pour recréer une équipe qui a disparu ou pour s’aligner avec une équipe de haut niveau. On est uniques dans ce sens où l’on existe essentiellement pour les supporters de Liverpool ou d’Everton pour qui la Premier League est devenue trop chère, on est là pour leur donner une nouvelle alternative plus accessible pour voir du football au stade.”

Des mots qui font écho à ceux de Stuart Fitzgerald relayés à l’époque par le Guardian. “Nous ne sommes pas pour une équipe ou l’autre, nous voulons juste promouvoir le football à Liverpool à un bon niveau mais à un prix abordable. Parce que c’est ce que la ville mérite.” Longtemps méprisée, Liverpool est une ville où le football a souvent pris toute sa dimension politique, comme un pilier de la fierté scouser, particulièrement durant les années Thatcher. En dehors des deux grosses machines que sont Everton et le Liverpool FC, le Merseyside compte une multitude de clubs, dont Tranmere Rovers, le Marine AFC ou encore le Bootle FC. Mais, situés en périphérie, aucun d’eux n’est en mesure de représenter la ville dans le monde amateur.

Plusieurs trophées en attendant de s’installer à Liverpool même

Le CoLFC a l’ambition à terme de réparer cette anomalie qui prive le cœur de Liverpool, faute de terrain disponible, d’un club amateur. Dans un article pour le magazine The Football Pink, Johnny Phillips évoquait cette situation. “Il y avait autrefois une troisième équipe à l’intérieur des limites de la ville. South Liverpool avait été formé en 1935 et jouait au Holly Park de Garston, autrefois impressionnant. Parmi ses anciens joueurs, l’équipe comptait certains grands noms des Reds comme Jimmy Case et John Aldridge. Le club était en si bonne santé dans les années 1980 qu’il avait son propre programme de formation des jeunes – le seul club de non-ligue à en avoir un. Mais en 1991, South Liverpool a été liquidé en raison de difficultés financières, et Holly Park n’est malheureusement plus qu’un parking pour la gare voisine.”

Pour écrire son histoire, le CoLFC n’a pas eu d’autre choix que de partir du bas de la pyramide du football anglais. En décembre 2015, le CoLFC a demandé son intégration à la North West Counties League – pour commencer au 10e échelon du football anglais – où il a fini par être accepté pour le début de la saison 2016-17, à la faveur de la disparition de Northwich Flixton. Et, dès leur première saison, les Purps valident leur accession à l’étage supérieur après sa victoire en play-offs face à Litherland REMYCA. Une saison mémorable à tout point de vue, couronnée aussi par deux victoires dans des coupes locales: la First Division Challenge Cup et la League Challenge Cup. “Passer de l’absence d’effectif neuf mois plus tôt à trois coupes au mois de mai suivant dépassait nos rêves les plus fous“, confiait Sean Lindblad, un membre du club dans une interview publiée dans le programme du FC United en septembre 2020.

Fort de ce triplé impressionnant pour une équipe qui fait ses premiers pas, le CoLFC continuera sur sa lancée la saison suivante en remportant la League’s Champion Cup, un trophée de la NWCL mettant aux prises le vainqueur du championnat et celui de la coupe. Cette deuxième saison est aussi marquée par la découverte de la FA Cup. La saison 2018/19 est rythmée par le mano a mano haletant du CoLFC avec le Bootle FC. Les Purps s’empareront du titre à l’ultime journée, synonyme de promotion au 8e niveau. Un titre de champion, quatre victoires en coupe, et deux montées, les adjectifs manquent pour qualifier les trois premières saisons du CoLFC.

“The Purple Messi”

Ces succès, les Purps les doivent aussi à leur “douzième homme”. Le CoLFC, qui met en place un banque alimentaire à laquelle les supporters peuvent faire des dons les jours de match, a beau évoluer dans les petites divisions, il est capable d’attirer plusieurs centaines de personnes à domicile. Les banderoles déployées dans les tribunes du Berry Street Garage Stadium de Bootle, sont sans équivoque sur le bord politique. Drapeau antifasciste, message anti-nationaliste et hostile aux Tories, la droite conservatrice britannique. Avec une moyenne qui avoisine les 500 supporters par match (le record est de 1099 personnes en FA Cup face à Warrington) et une moyenne de 100 fans qui les suivent en déplacement, les Purps sont plutôt bien accompagnés.

Chaque début de saison le CoLFC relance sa campagne d’abonnements et d’adhésions. A la mi-juillet, environ 300 supporters avaient renouvelé leur adhésion.

Nous avons plusieurs types d’adhésion, en fonction du niveau d’implication de chacun, de l’adhésion complète incluant les abonnements à la simple adhésion standard. Chaque membre possède une action et a le droit de vote. Au total, je pense que nous avons plus de 500 membres, en comptant les membres de notre Brigade Internationale“. Un sens du collectif qui n’empêche pas les fans des Purps d’avoir leur chouchou en la personne de Jack Hazlehurst qui a prolongé jusqu’en 2023. Surnommé “The Purple Messi”, le n°10 du CoLFC a cette petite étincelle dans les pieds, capable de faire basculer un match. Un leader technique d’autant plus important qu’en “Northern Prem” le niveau s’est subitement élevé et que le CoLFC a appris à être moins dominateur. Voire même à galérer et à lutter en bas de classement pour ne pas descendre. Quand les compétitions son arrêtées en mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, le club occupe alors une fragile 16e place, 5 points au dessus de la zone de relégation.

Pour Sean Lindblad, c’est aussi que les Purps étaient attendus. “Nous étions une nouvelle équipe avec un grand public, donc toutes les équipes veulent vous prendre des points. Nous ne pouvions pas laisser nos performances baisser sinon nos adversaires allaient nous punir“. Après une perturbation de près de deux ans, la saison passée a enfin pu être disputée intégralement et les Purps l’ont bouclé à une solide 9e place. Le type de saison qui donne au club la stabilité nécessaire à la poursuite de son développement. Le CoLFC ne se fixe pas de limite. Rejoindre le FC United of Manchester dans la division supérieure – si bien sûr les Red Rebels ne montent pas également – serait un joli pied de nez au football moderne.

“La magie de Liverpool, c’est de ne pas être l’Angleterre”. Fierté de l’identité scouser, valeurs sociales et antifascistes… Les banderoles des fans des Purps annoncent la couleur. (Bannière Twitter du compte Purps TV)

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