Comment la grève des footballeurs colombiens n’aura pas eu lieu

Chili, Équateur, Bolivie… Plusieurs pays du continent sud-américain connaissent d’importants mouvements sociaux ces derniers temps, et la Colombie s’apprête à leur emboîter le pas. Comme au Chili, les footballeurs colombiens ont annoncé se joindre au mouvement, mais les instances les ont court-circuité.

Sous tension depuis l’investiture d’Ivan Duque, arrivé au pouvoir en 2018, les colombiens lanceront un mouvement de grève national ce 21 novembre. En cause, la corruption et les assassinats de plusieurs leaders indigènes mais aussi et surtout, la précarité et la pauvreté. Pour se faire une idée de l’ambiance, l’ESMAD, Escuadrón Movíl Antidisturbios (brigade anti-émeute), est récemment rentré dans les campus universitaires afin de réprimer le mouvement contestataire étudiant. Plusieurs blessés graves sont à dénombrer après l’utilisation de grenades de désencerclement.

Les prémices et ….. la fin de la grève

Rionegro Águilas – Cúcuta Deportivo | 16.07.2019

C’est dans ce contexte social tendu que, le 11 septembre dernier, l’Acolfutpro, la Asociación Colombiana de Futbolistas Profesionales, principal syndicat de joueurs professionnels en Colombie, a envoyé une lettre au président de la FCF (Federación Colombiana de Fútbol) ainsi qu’à la DIMAYOR, l’équivalent de la LFP, dans laquelle ils énumèrent une douzaine de requêtes.

Précarité et conditions de travail sont au centre du débat. Mais aussi la demande d’un contrat professionnel unique, afin d’éviter les dérives, les enveloppes sous la table ainsi que la corruption. La régularisation des sanctions émisent par les clubs et le plafonnement des amendes font aussi partie des revendications des joueurs. Il est en effet courant dans le football colombien de voir des joueurs sanctionnés avec disproportion. En témoigne l’amende de 8 millions de pesos reçue par l’attaquant de l’équipe de Cúcuta, Jonathan Agudelo, pour avoir levé son maillot afin montrer un photo de son frère assassiné quelques jours auparavant. Enfin, sont aussi mentionnés dans cette lettre, le respect du temps de récupération, une meilleure complémentaire santé, l’adoption d’un protocole contre la discrimination, le harcèlement au travail et la violence sexiste. Car un autre point central porte sur le lancement de la ligue de football féminine, reportée depuis plusieurs années pour des prétextes divers et variés.

Évidemment, cette lettre restera vaine et en octobre, l’Acolfutpro décide de déposer un préavis de grève à partir du 3 novembre pour bloquer les deux dernières journées du championnat.

Les footballeurs colombiens perdent leur grève sans jouer

Avant l’arrivée de cette date, et pour montrer leur détermination, les joueurs ont entamé une grève du zèle en ne jouant pas les premières minutes des matchs. Soit en jouant la passe à 10, soit en s’asseyant directement sur le terrain. Ce mouvement ne fut relayé que par les réseaux sociaux, et pour cause, Win Sports, principal diffuseur du championnat colombien, dont la DIMAYOR est actionnaire, n’a pas retransmis les faits. Chaque début de match était donc tronqué, coupant l’herbe sous le pied des footballeurs.

Pour éviter une fin de championnat houleuse, la riposte ne s’est pas faite attendre. Le président de l’équipe de Cúcuta, Alvaro Torrado, a menacé ses joueurs en promettant à quiconque se mettrait en grève début novembre, le licenciement pour « faute professionnelle grave », tout en sachant que ces mêmes joueurs ne sont plus payés depuis près de 4 mois. Par la suite, d’autres présidents le suivront.

Malgré la menaces et les pressions, l’Acolfutpro maintenait le cap et comptait bien faire valoir son droit de grève. Craignant une fin de championnat avorté, la DIMAYOR décida de siffler la fin du match en annonçant avancer les dernières journées. Pour s’éviter tout couac, elle a modifié le calendrier afin que la dernière journée du tournoi de clôture de Liga Aguila se joue le dernier week-end de ce mois d’octobre et ainsi mettre fin aux velléités des grévistes.

2 Trackbacks / Pingbacks

  1. Quand les footballeurs ne jouent plus le jeu de la paix sociale – Dialectik Football
  2. Après les footballeurs, les supporters sous pression en Colombie – Dialectik Football

Leave a Reply

Your email address will not be published.


*