Philippe Montanier a été débarqué du Toulouse FC. Une décision incompréhensible au regard de la saison réalisée par le club, et qui questionne la stratégie centrée depuis plus de deux ans sur l’analyse fanatique des données statistiques.
L’officialisation est tombée le 14 juin à 17h via un communiqué laconique. C’était dans l’air depuis quelques jours: Philippe Montanier, coach de la remontée en 2022, n’allait plus être l’entraîneur du Toulouse Football Club. Le président Damien Comolli avait commencé à préparer le terrain lors d’une conférence de presse, le 6 juin dernier. “On termine 13ème et tous les indicateurs prouvaient qu’on aurait pu finir 10ème ou 11ème. C’est la première fois depuis qu’on est au club qu’on sous-performe“. Un mélange de froideur, de mauvaise foi et d’ingratitude.
Ces mots sont bien ceux du président d’un club promu qui, à la faveur d’un jeu plutôt plaisant, a acquis son maintien sans frayeur. Un club qui a surtout remporté la Coupe de France, première ligne majeure au palmarès du TFC moderne, offrant au passage une qualification directe pour la phase de groupes de la Ligue Europa. A plusieurs reprises, dans les rangs du Téfécé, on a même logiquement évoqué une “saison historique à plus d’un titre”. Ce procès en “sous-performance” n’est évidemment qu’un prétexte. On vire rarement un coach qui réalise une “saison historique”.
“Les cerveaux derrière la machine”
Le cœur du contentieux entre Philippe Montanier et la direction du club est ailleurs. Il résulte du recours exclusif à la data sur lequel le Téfécé a construit son projet depuis l’arrivée de Comolli dans les bagages de la société américaine “RedBird Capital Partners”. Le club haut-garonnais est même un pionnier dans la confiance faite aux algorithmes et à la froideur des données statistiques pour ne rien laisser au hasard dans le façonnage de son effectif. Que cela concerne l’identité de jeu de l’équipe ou encore l’optimisation de la masse salariale, le TFC prend toutes ses décisions avec l’aide de la data.
Comme le Milan AC – également propriété de RedBird Capital – le TFC s’appuie sur le logiciel de la société Zelus, spécialisée dans les sports US, pour réaliser son recrutement. Ça lui permet d’avoir un œil dans une soixantaine de championnats dans le monde. C’est comme ça que le club est allé dénicher Branco Van den Bommen à De Graafschap, en D2 hollandaise. Avec Stijn Spierings et Brecht Dejaegere, recrutés de la même manière, le TFC a disposé d’un des milieux de terrain les plus cohérents et impactants de L1. En fin de contrat, aucun des trois ne sera conservé.
Derrière ce fétichisme, il y a la main de fer de Damien Comolli. A ses côtés, deux figures de proue incarnent le projet: la responsable stratégie Selinay Gürgenc – qui n’est autre que sa compagne – et Julien Demeaux, responsable data. “Ils font un travail énorme de projection, ce sont un peu les cerveaux derrière la machine“, déclarait Comolli. Cette saison, les dissensions entre l’influent duo et les membres du staff, de plus en plus réservés sur l’omniprésence de la data, ont eu raison du poste de Montanier, déjà affaibli quelques mois plus tôt par le licenciement de son adjoint Michael Debève.
La data attendue au tournant
Si la centralité de la data dans le projet toulousain peut se justifier par une volonté économique de minimiser les risques et maximiser les gains, à l’aune du cas de Philippe Montanier elle devient aussi un symbole de la gestion autoritaire de Comolli, entre sentiment de toute-puissance et volonté de maîtriser tous les paramètres. En évinçant Debève et Montanier, le président a dégagé la voie à sa garde rapprochée et a fait passer le message que “le projet technologique et de modernisation du TFC doit être au-dessus de tout“, selon LesViolets.com. Recruté par la data, Montanier a aussi été viré à cause d’elle.
Le projet en question n’autorise visiblement aucune remise en question. Cette exigence a conduit RedBird Capital à désigner Carles Martinez Novell, autant novice que “data-compatible”, pour diriger l’équipe première pour la saison prochaine. Indépendamment de ce qu’en disent les indicateurs statistiques, c’est une prise de risque majuscule à l’aube d’une saison où la Coupe d’Europe va s’inviter dans le calendrier. La data va-t-elle à nouveau faire des merveilles sur les bords de la Garonne, ou la stratégie monomaniaque de Comolli et de RedBird Capital va-t-elle montrer ses limites?
Je me permets un petit bémol, en tant que supporter du TFC: comme dit dans l’article, Montanier a surtout été viré pour ses résultats clairement en dessous des possibilités en championnat. Il avait déjà été remis en question à l’hiver 2021, ce n’est pas totalement une surprise.
De plus, Martinez Novell était arrivé en cours d’année avec un statut de superadjoint, qui déjà semblait sceller l’avenir de Montanier.
Le jeu prôné par Montanier m’a semblé montrer très vite ses limites, son manque d’adaptation et d’utilisation de certains joueurs étaient des points récurrents de critiques.
Il est monté en Ligue 1 avec un budget et un effectif bien supérieur à toutes les autres équipes de Ligue 2, il a gagné la coupe de France avec un tirage au sort très favorable. Sans le nier, je pense qu’il faut pondérer son réel impact.
Personnellement, je trouve déjà le travail de Martinez Novell depuis le début de la saison plus pertinent, varié et intéressant.