Rapport Houlié/Buffet : Que signifie un usage « encadré » des fumigènes ?

©Kateryna Mashkevych | iStock

Une partie de la presse a pu avoir accès au rapport portant sur les interdictions de stade et le supportérisme, présenté ce mercredi 20 mai devant la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale par le député macroniste Sacha Houlié et l’ancienne ministre des Sports Marie-Georges Buffet. Si la politique répressive menée ces dernières saisons est ouvertement mise en cause, les supporters sont aussi appelés à faire des concessions.

Faute d’avoir eu un accès complet à ce rapport de 111 pages, sa nécessaire analyse plus poussée devra attendre. Nous nous contenterons de revenir sur la question des fumigènes, éléments incontournables de l’animation des tribunes par les ultras, mais également principal objet du conflit larvée entre les groupes de supporters d’un côté et les instances de l’autre. En effet, l’usage de fumigènes en tribune est la cible d’un grand nombre d’amendes distribuées par la Comission de discipline de la LFP contre les clubs. Ce qui se traduit parfois par des conflits directs entre certains clubs et leurs supporters, comme dernièrement à Nîmes, par exemple. Les clubs pouvant en effet se retourner contre leurs supporters et délivrer des interdictions “commerciales” de stade, depuis la Loi Larrivé de 2016.

Changement de doctrine

L’esprit de ce rapport parlementaire va clairement dans le sens d’un changement de paradigme en matière de répression des ultras – en mettant en cause le traitement d’exception subi par les supporters et en demandant la fin des sanctions collectives comme les huis clos partiels visant les virages. Ironie du sort, c’est au moment où on ne sait absolument pas à quel moment nous pourrons retourner dans les stades qu’est publié un rapport recommandant de ne plus interdire l’usage des fumigènes en tribunes. Précisons quand même que cette mission parlementaire a commencé avant la pandémie de Covid-19. Comme alternative à l’interdiction, le rapport prône un « encadrement » qui se matérialiserait par la mise en place « à titre expérimental » d’une zone délimitée dans le stade où les fumigènes pourraient être craqués. Comme gage, le rapport défend en retour l’obligation de placer cet usage sous la responsabilité d’une association de supporters déclarée en préfecture.

En France, l’usage de fumigènes est répréhensible depuis 1993 et la loi Alliot-Marie, considérée comme la première loi de répression du supportérisme hexagonal. Pensée dans le cadre des préparatifs du Mondial 98, avec entre autres les rénovations de stade et le passage aux tribunes exclusivement dotées de places assises, elle a fait de l’utilisation ou de l’introduction de fumigènes dans une enceinte sportive, un délit passible de trois ans de prison et 15 000 euros d’amende. Comme toutes les lois ciblant les supporters, l’objectif est alors de pacifier l’ambiance dans et aux abords des stades. Les fumigènes sont donc dans le viseur des autorités depuis près de trois décennies, même si la répression s’est réellement accentuée ces dernières années.

Pour autant, les autorités et les instances ne peuvent éluder la réalité: tout l’arsenal répressif déployé n’a aucun effet sur l’utilisation des fumigènes. Houlié et Buffet ne manquent d’ailleurs pas de s’appuyer sur cette évidence. Mieux, selon un rapport de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH), à mi-saison le nombre d’engins pyrotechniques utilisés dans les stades avait même doublé par rapport à la saison dernière. N’en déplaise à Noël Le Graët qui dans ses fantasmes les plus fous prétend avoir « éradiqué » le phénomène. Les préconisations de Sacha Houlié et Marie-Georges Buffet permettent aussi aux tenants du tout-répressif de ne pas perdre la face en leur ouvrant cette porte de sortie que constitue l’usage « encadré » des fumigènes.

En attendant des fumigènes sans chaleur ?

Les rapporteurs de cette mission parlementaire sur le supportérisme complètent leur propos sur les fumigènes recommandant aussi la poursuite des études sur les fumigènes dits “sans chaleur”. A quoi sont censées répondre ces études? A la dangerosité? Ce motif souvent mis en avant par les instances relève quand même d’un haut niveau d’hypocrisie. D’une part, les accidents restent très rares mais surtout, comme le souligne bien le rapport, ils résultent justement de cette interdiction qui contraint les supporters à allumer les torches « en se dissimulant notamment sous des bâches qui ne sont pas ignifugées ». Toujours est-il qu’un pyrotechnicien danois en aurait inventé un. La chaleur des ces fumigènes « sans chaleur » reste malgré tout comprise entre 180°C et 220°C (contre il est vrai 1500°C pour les fumigènes traditionnels). Mais ils produiraient moins de fumée. Ce qui arrangerait certainement les affaires d’instances en guerre contre les retards au coup d’envoi causés par ces fumées qui gênent la vue des téléspectateurs. Mais les ultras, qu’y gagnent-ils ?

Pour l’instant, la publication de ce rapport a reçu un accueil positif de la part du monde des supporters. Une grande partie des tribunes, sous l’égide de l’Association Nationale des Supporters (ANS), a choisi la stratégie du dialogue avec les autorités. La volonté exprimée dans le rapport de relacher la pression sur les supporters constituerait donc une avancée si elle venait à se concrétiser, même s’il s’agit en réalité plus d’un compromis qu’autre chose. Mais les tensions avec la Ligue et sa Commission de discipline s’apaiseraient-elles pour autant?

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