¡Ni olvido, ni perdón! La nuit du 26 au 27 septembre 2014, après avoir été pris dans une embuscade tendue par la police municipale d’Iguala, 43 étudiants d’Ayotzinapa dans le Guerrero, “disparaîssent” avec le concours du principal groupe mafieux local. Pratique policière héritée de la Guerra sucia menée par l’Etat mexicain contre les militants d’extrême-gauche dans les années 60-70. Une partie des tribunes du pays et certains joueurs avaient exprimé leur colère et leur solidarité.
Le 30 mai 2016, lors de la finale retour du championnat de clôture mexicain entre Monterrey et Pachuca, les supporters locaux avaient tenu à rendre hommage aux disparus d’Ayotzinapa. «Les “mass medias” diront que le stade a été plein pour cette grande finale du “narco-fútbol” mexicain, or nous savons très bien qu’il manquait 43 personnes et des milliers d’autres». Ces supporters du club de Monterrey faisaient référence aux 43 étudiants disparus dix-neuf mois plus tôt dans des circonstances que la population mexicaine ne connaît que trop bien.
Tuerie narco-policière à Iguala
Reprises des Cahiers d’Oncle Fredo, ces lignes rappellent le contexte dans lequel cette “disparition” a eu lieu: «Cette nuit du 26 septembre 2014, environ 80 élèves de l’Ecole Normale Rurale “Raúl Isidro Burgos” d’Ayotzinapa se mettent en quête de bus à réquisitionner dans l’objectif d’affrêter un maximum de monde aux manifestations prévues le 2 octobre à Mexico, pour commémorer le massacre de Tlatelolco en 1968 où plusieurs centaines d’étudiants en lutte tombèrent sous les balles de l’armée du président Diaz Ordaz. Les Normales sont des écoles pensées dans les années 30 sous la présidence de Lázaro Cárdenas, pour la jeunesse indigène, souvent issue des milieux paysans et ouvriers.
Ce sont des établissements historiquement très politisés. Ayotzinapa a même la réputation d’être à la pointe de cet engagement politique et des luttes sociales. La pratique de réquisitionner des bus pour se rendre en manifs est assez répandue, vu que ces écoles n’ont pas les moyens d’en disposer. Pour empêcher cela, le gouverneur du Guerrero a posté des unités anti-émeutes devant la gare routière de Chilpancingo où les étudiants d’Ayotzinapa ont l’habitude d’aller les chercher. Pour éviter la confrontation, les étudiants s’étaient rabattus sur la gare routière d’Iguala où ils parvinrent à mettre la main sur deux bus supplémentaires, ce qui portait leur total à cinq bus. Avant de parvenir à quitter Iguala deux de ces bus furent pris dans une embuscade tendue par la police envoyée par le maire de la ville José Luis Abarca. Elle barra la route aux bus et les mitrailla sans plus de fondement. Dans la confusion, certains étudiants pensant que les flics tirent en l’air pour les effrayer, ce dont ils ont l’habitude, sortent du bus et s’équipent de pierre pour se défendre et les affronter, quand les premiers d’entre eux tombent sous les balles. Pris au milieu de cette fusillade, difficile de s’échapper.
Le bilan est terrible: 6 morts et 25 blessés. Trois étudiants d’Ayotzinapa, mais aussi trois autres personnes: une femme malencontreusement présente dans la rue, ainsi que le chauffeur et un passager d’un autre bus ramenant l’équipe des Avispones de Chilpancingo venue jouer un match contre le FC Iguala. Le jeune footballeur David “Zurdito” Garcia, 15 ans, meurt d’une balle en pleine poitrine. Mais l’horreur ne s’arrête pas là. C’est ce que nous rappelle ces supporters de Monterrey avec leur banderole: il manque 43 personnes.
Assez vite après le massacre de la nuit du 26 septembre, on comprend que ces 43 étudiants ont été enlevés. C’est la police municipale aux ordres d’Abarca qui procéda à leur arrestation avant de les livrer au plus important groupe mafieux du coin, les Guerreros Unidos, qui les a exécuté avant des les incinérer et de les jeter dans une décharge à Cocula. Aujourd’hui, les familles et les proches des disparus continuent de se battre pour obtenir la vérité. Leur lutte est entravée par les multiples blocages des autorités, même si 17 personnes, dont le maire d’Iguala ont été incarcéré pour leur responsabilité dans ce massacre. La finale du championnat mexicain, et son exposition médiatique consquente, était une occasion de rappeler que cette lutte pour la vérité et la justice est loin d’être finie. »
L’appel aux barras bravas
Fin novembre, soit deux mois après la tuerie, alors que s’apprête à débuter la Liguilla, les play-offs du Tournoi d’Ouverture 2014, les disparus d’Ayotzinapa sont encore dans toutes les têtes, un appel vidéo intitulé “Estadios Negros” est lancé sur les réseaux sociaux à destination des supporters des huit clubs qualifiés. Le but est de profiter de la retransmission des matchs pour relayer la cause des disparus en relayant le message dans les tribunes, comme ça avait déjà été le cas du côté de la Ciudad Universitaria de Mexico avec l’action de membres de La Rebel, la barra brava du Pumas UNAM, lors de la dernière journée de l’Apertura 2014. Lors de ce même match face à Monterrey, le buteur des Pumas, Eduardo Herrera avait aussi célébré un de ses deux buts en faisant référence au nombre 43 avec ses mains. Exactement la même célébration que celle de Marcelo Alatorre, défenseur des Leones Negros de Guadalajara, la veille face à Cruz Azul.
A partir de là, plusieurs autres barras bravas du pays mèneront des actions de ce types, avec l’affichage de messages exprimant la résistance autant que la colère à propos du sort des 43 disparus. Parmi ces groupes, citons La Resistencia Albiazul (Queretaro), Los Lokos de Arriba (Club Leon), la Brigada 97 et La Insurgencia (CD Guadalajara), El Ritual del Kaos (Club America) ou encore le Bloque Obrero de la Sangre Azul (Cruz Azul).
La protestation s’est même étendue au-delà du championnat mexicain. « A la 43e minute de chaque mi-temps, lève la voix et crie “Justicia” à plusieurs reprises. » annonçait la vidéo. Comme lors du match amical entre la sélection du Mexique et celle des Pays-Bas à Amsterdam, le 12 novembre 2014. Ce jour-là, les manifestants profitaient aussi de ce match sur le continent européen pour faire connaître la situation, et brandir des affiches avec les visages des 43 disparus.
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Sources:
Ayotzinapa, un cas d’école – IAATA – 3 février 2015
Récit détaillé de la tuerie d’Iguala, par John Gibler – Jef Klak – 4 décembre 2014
Acción durante la final Monterrey-Pachuca en México – Wanderers – 31 mai 2016
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