Les supporters opposés à l’ouverture de la Bundesliga aux fonds d’investissement

La Südtribüne de Dortmund le 8 avril dernier lors de la réception de l'Union Berlin. Un mode de protestation à base de multiples banderoles, typique des fans allemands.(©IMAGO/Matthias Koch)

Le 24 mai, les clubs professionnels allemands doivent se positionner sur la poursuite de l’ouverture par la Deutsche Fussball Liga (DFL) de la gestion des droits de diffusion aux investisseurs privés. Les supporters s’opposent massivement à cette menace.

“Nein zu investoren in der DFL!”. Des tribunes du Borussia Dortmund à celles de l’Union Berlin, en passant par Fribourg, Augsbourg, Cologne ou Stuttgart, on peut lire depuis quelques semaines ce slogan hostile à l’arrivée de fonds de capital-investissement dans la société commerciale qui gère les droits de diffusion des championnats professionnels allemands. Attaché à leur modèle singulier, les groupes de fans rejettent cette fuite en avant capitaliste porteuse de court-termisme, d’incertitude et d’instabilité.

L’alibi de la Premier League

L’intérêt des investisseurs privés pour la Bundesliga ne date pas d’aujourd’hui. Après une approche avortée en 2021, il se pourrait bien cette fois-ci que la digue qui tient ces vautours à bonne distance ne cède. Fin avril, plusieurs de ces fonds d’investissement ont en effet répondu à l’appel d’offre de la DFL, dont CVC Capital Partners (qui a déjà un pied en Ligue 1 française et en Liga espagnole) et Blackstone. Concrètement la DFL cèderait à cet investisseur 12,5% de ses recettes pour les vingt prochaines années.

“Non à la vente de parts de la DFL!!! Un autre football est possible”. Heidenheim-St.Pauli (8 avril).

La DFL espérait un deal à hauteur de 15% des recettes de cette future société commerciale dont la valeur globale est évaluée entre 15 et 18 milliards d’euros. En l’état, cette opération rapporterait un peu plus de 2 milliards d’euros au bénéfice des 36 clubs composant les deux premières divisions du pays. Les partisans de ce changement de paradigme mettent en avant des questions d’attractivité et de compétitivité dans l’optique de réduire le fossé en train de se creuser avec la Premier League anglaise. Des préoccupations essentiellement marchandes qui illustrent un autre fossé: celui entre dirigeants et supporters.

Si la probable arrivée de ces investisseurs semble séduire un certains nombres de présidents de club, elle suscite aussi beaucoup d’inquiétudes. “Ces fonds de capital-investissement ne s’intéressent pas au sport et à la culture qui l’accompagne, mais au profit.”, prévient l’association Finanzwende dans une pétition en ligne. “Et une fois que la porte leur sera ouverte, il sera difficile de la refermer. Ces investisseurs vont changer la ligue.” Les supporters, attachés aux racines populaires et associatives de leur club, s’y opposent largement.

La folie de la commercialisation

En virage comme en parcage, depuis le week-end du 8 avril, de multiples banderoles de protestation ont fleuri dans les stades allemands. Outre le “Non aux investisseurs à la DFL!”, “Halte à la folie de la commercialisation” est un autre slogan largement repris. Les différents groupes de supporters qui mettent pression sur leur club ont l’espoir de voir le processus d’investissement être interrompu par la DFL lors de l’assemblée générale extraordinaire du 24 mai. Une majorité des deux tiers est nécessaire pour que cette ouverture soit validée.

SC Fribourg-Bayern Munich (©NurDerSCF)

De nombreux collectifs ou groupes de supporters du SC Fribourg ont également co-signé une lettre ouverte intitulée “Un non clair à l’entrée des investisseurs à la DFL!”. Ils appellent clairement leurs dirigeants à voter “Non” lors de l’assemblée générale et exigent la plus grande transparence de leur part. Dans cette lettre, les signataires avancent qu’une telle évolution ne ferait qu’accentuer l’écart avec les divisions inférieures. “Plus d’argent n’a jamais rendu le football meilleur. Et plus de commercialisation n’a jamais permis de mieux prendre en compte les intérêts des supporters. Bien au contraire.”

La position de la Südtribüne du Borussia Dortmund va dans le même sens. D’autant que le président du club Hans-Joachim Watzke pousse pour l’arrivée des fonds d’investissement. A l’occasion de la réception de Wolfsburg le 7 mai dernier, ils ont eu un message pour chacun des investisseurs potentiels. Morceaux choisis: “Blackstone présente bientôt la Bundesliga aux États-Unis après le travail des enfants” ou “Avec EQT, votre Saab ne deviendra pas non plus une classe S”. Comme lors du Mondial au Qatar, les tribunes allemandes montrent là leur capacité à se dresser contre le football moderne.

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