Les ultras de l’Eintracht Francfort en guerre contre le ministre de l’Intérieur

A écouter Noël Le Graët, ça ferait un bail qu’il n’y aurait plus de fumigènes dans les stades allemands. “Même pas en rêve!” fanfaronnait-il sur les plateaux télé pour justifier sa déclaration de guerre aux torches dans les tribunes de L1. Pourtant, Peter Beuth, ministre de l’Intérieur et des Sports du gouvernement régional du Land de Hesse, s’est lancé dans une croisade périlleuse contre l’utilisation d’engins pyrotechniques par les supporters qui n’ont pas tardé à riposter.

Fin novembre 2018, Peter Beuth s’était fendu d’une proposition lors de la conférence des ministres de l’intérieur du gouvernement fédéral allemand, visant à sanctionner d’un an d’emprisonnement minimum le fait d’allumer des fumigènes dans un stade. Une proposition appuyée par ses collègues de Bavière, de Rhénanie-du-Nord Westphalie ou encore de Saxe-Anhalt, ainsi que par les syndicats de police, toujours partants pour un durcissement des sanctions pénales.

Martin Endemann, porte-parole de l’Association Active des Supporters Allemands (BAFF), s’était étonné du tout-répressif prôné par Beuth et les syndicats policiers. Il s’appuie sur les seules statistiques disponibles que sont celles du ZiS, le bureau des opérations sportives de la police, pour pointer que ce durcissement de la répression ne se justifie pas. Selon le ZiS, le nombre de procédures pénales dans les deux premières divisions a diminué de 19% entre la saison 2016/17 et la saison 2017/18. Et Martin Endemann ajoute au passage que, lors de la saison passée, les fumigènes ont blessé trois fois moins de supporters que les gaz lacrymogènes de la police.

Ces derniers mois, Peter Beuth est devenu le visage de la répression des supporters outre-Rhin. Probablement le personnage le plus détesté dans de nombreuses tribunes du pays. Face à lui, la riposte s’organise, particulièrement du côté de Francfort, principale ville du Land de Hesse, sous l’impulsion des SGE-Fans. Récemment, la tension est encore montée d’un cran. Le 21 février, quelques minutes avant le coup d’envoi du match d’Europa League contre le Shakhtar Donetsk, la police locale a confisqué aux ultras locaux une banderole dont le texte ciblait ouvertement Beuth. En réaction, les ultras ont décidé d’annuler le tifo géant qu’ils avaient prévu pour l’entrée des joueurs. Au cours du match, dans la Nordwestkurve, virage des SGE-Fans, sont apparues des lettres brandies par des supporters, formant le slogan “Fuck dich Beuth”, soit “Va te faire foutre Beuth”.

“Beuth est comme la police, personne ne l’aime”

Les fans de la Nordwestkurve exhibant une banderole de la police fédérale. Certains médias allemands n’ont pas manqué de faire remarquer que c’est la police du Land de Hesse qui est sous la responsabilité de Beuth. Le message envoyé par les ultras de Francfort aux autorités n’en est pas moins clair.

Le 2 mars dernier, c’était le premier match de l’Eintracht Francfort au Waldstadion depuis l’épisode de la banderole confisquée en Europa League. Les supporters ont préparé ce rendez-vous et la réception d’Hoffenheim comme il se doit. Pas moins de 54 banderoles contre Peter Beuth ont été déployées, jusqu’en tribune VIP! Les chants hostiles au ministre de l’Intérieur n’ont pas cessé de la rencontre, et ont même continué après. A fond dans son rôle de chef de la police, il n’avait pas manqué de lui apporter son soutien après le match contre le Shakhtar.

Un grand nombre de jeux de mot difficiles à traduire, constitués à partir du nom de “Beuth” ornent les banderoles. D’autres fustigent la police. Certaines visent les deux en même temps: “Beuth est comme la police, personne ne l’aime”. Les supporters, qui l’accusent de mener une “guérilla personnelle”, lui ont rendu la monnaie de sa pièce. Ils demandent aussi sa démission, le qualifiant au passage de “ministre de l’Intérieur le plus incompétent de toute l’histoire de la Hesse”, ce qui laisse penser que la fronde anti-Beuth est loin d’être finie du côté de Francfort.

Lors du match contre Hoffenheim, les ultras ont aussi symboliquement exhibé une banderole de la police fédérale allemande, dérobée plus tôt, avant de la déchirer. Contre la répression, les ultras de Francfort ont choisi l’attaque.

 

Quelques-unes des 54 banderoles affichées dans les tribunes du Waldstadion lors de la réception d’Hoffenheim le 2 mars dernier.

 

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