Contribution d’un lecteur, supporter de l’OM, sur un sujet sous-abordé dans nos colonnes. Tout en pointant du doigt l’hypocrisie des instances et le rôle de l’extrême-droite dans la propagation de l’homophobie dans les stades, le texte renvoie l’ensemble des supporters face à leurs responsabilités en affirmant que le folklore ne peut plus être une excuse.
En 2019, le monde du football français ne parle que de l’homophobie dans les tribunes et criminalise les supporters qu’il faudrait durement réprimer. Plus de deux ans ont passé et il me semble possible d’avoir le bon recul pour parler de cette histoire et de ce qui devrait peut être vraiment changer dans nos groupes de supporters.
J’écris ce texte pour tenter d’apporter une autre perspective que celle de la LFP (Ligue de Football Professionnel) et des institutions qui, comme l’a très bien dit cette banderole du Commando Ultra 84 à Marseille lors de la réception de Lorient au Vélodrome en 2021, « n’a aucune légitimité ».
Pour me situer, je suis un supporter pauvre et LGBT de l’Olympique de Marseille. Mon propos avait à la base pour but de changer les mentalités au sein de mon club, car c’est la que je veux me sentir chez moi mais j’espère que ce texte pourra avoir une portée plus large.
La dernière fois que nous avons beaucoup entendu parler d’homophobie dans les stades de foot, c’est suite à l’interruption du match OGC Nice-OM le 28 août 2019 à cause de chants homophobes et de banderoles déployées par les niçois. On pouvait notamment y lire « des parcages pleins pour des stades plus gays » ou encore « OM, un club LGBT ». Le fait de rabaisser l’adversaire en le qualifiant de LGBT accompagné des chants « Les Marseillais c’est des pédés » ne laissent à mes yeux aucun doute quand à l’homophobie latente de la tribune populaire niçoise, affiliée à l’extrême droite.
La question de l’interruption des matchs fut ensuite au cœur des débats. Est-ce la solution pour régler le problème ? Nous y reviendrons plus loin.
Suite à cette rencontre, tous les médias s’attardaient sur l’homophobie des stades et rabaissaient les supporters. La LFP cherchait quand à elle à réprimer les ultras, dans sa longue tradition d’interdictions à la chaîne pour expulser les classes populaires des tribunes, alors que ce sont nous qui les animons et contribuons à ce « spectacle » qu’elle aime tant pour faire vendre ses droits TV. Éternelle contradiction…
Ainsi dans cette perspective, il me semble évident que l’homophobie, comme le racisme d’ailleurs, la LFP n’en à rien à foutre, elle ne s’en est servie que pour avoir un prétexte pour réprimer encore une fois les ultras. Ces mêmes ultras qui l’ont bien évidemment bien compris et qui ne se sont pas privés pour montrer leur mécontentement à la Ligue, tombant parfois hélas dans la surenchère à l’image par exemple de cette banderole de la Génération Grenat de Metz.
Mais concrètement, cette homophobie existe-t-elle vraiment à des proportions qui méritent qu’on s’y attarde ? Je pense que oui. A des degrés différents selon les tribunes mais hélas trop peu de stades sont inclusifs pour les personnes LGBT (et les femmes au passage, rappelons qu’en 2018 des membres de la Curva Nord de la Lazio affirmaient que les femmes n’avaient pas leur place « dans les dix premiers rangs » de la tribune).
Prenons un premier exemple, dans les tribunes du Legia Warsaw, il est possible d’y voir régulièrement des pancartes et banderoles anti-LGBT à l’image de celle-ci.
Le Legia Varsovie est soutenu par des ultras d’extrême-droite et cet exemple est volontairement radical pour bien souligner que l’homophobie peut prendre diverses formes et que les solutions sont différentes selon les cas. Ici, à part dégager ces merdes je vois pas ce qu’il est possible de faire d’autre.
Mais même au sein de virages antifascistes comme ceux de l’OM, les chants homophobes, hélas, existent et perdurent. En effet, si nous ne voyons heureusement plus des banderoles gênantes du style « PSG Pedo Sado Gay », le malaise est toujours là quand le virage se met à chanter « Il faut tuer ces pédés de [insérer nom de l’adversaire] » ou que « celui qui saute/chante pas est un pédé ». En fait je suis pédé et sachez que je saute et chante. Sachez également que des personnes LGBT sont agressé-es, assassiné-es et mises à la rue chaque jour et que non ça n’est pas quelque chose qui se chante à la légère que l’on tue son adversaire en faisant référence à une orientation sexuelle (qu’elle soit réelle ou pas). Je ne dis évidemment pas que les supporters qui ont déjà chanté ça sont homophobes, en discutant individuellement avec elle et eux on se rend bien compte que ça n’est très souvent pas le cas, bien que certains restent hélas bloqués dans une vision réactionnaire du monde persuadés que la « propagande LGBT » les envahirait… Cependant, il faut reconnaître que ces chants, en plus d’exclure les personnes LGBT, créent un climat qui ne pousse ni les supporters ni les joueurs à être out, à être visibles en tant que gay, lesbiennes, trans…
Souvent, il arrive que ces comportements homophobes soient défendus au nom d’un « folklore ».
Cet argument me semble tout aussi irrecevable que quand des ultras racistes défendent les cris de singes qu’ils font au nom du-dit folklore. Un acte raciste est raciste, un acte homophobe est homophobe point. Les traditions doivent parfois être bousculées pour le meilleur. Les supporters de l’Olympique de Marseille ont bien réussi à éradiquer les comportements fascistes et racistes du Vélodrome, je ne vois pas pourquoi nous n’arriverons pas à bannir l’homophobie. Le mot pédé, à l’image d’un n-word par exemple, a une histoire et est une insulte d’une grande violence pour qualifiée une personne gay. Une personne hétéro n’a en aucun cas à l’utiliser. Que vous ne vous en rendiez pas compte n’y change rien, nous on l’entends trop souvent pour nous rabaisser et nous agresser, pas la peine d’y avoir droit au stade.
Enfin n’oublions pas que le stade n’est pas un espace déconnecté de la société dans laquelle nous vivons. Il est absurde de taper sur les supporters sans chercher à résoudre le problème de l’homophobie dans l’ensemble de la société, sinon il s’agit juste d’une hypocrisie visant à réprimer les classes populaires.
Pour régler ce problème qui existe donc bel et bien, jamais nous n’aurons besoin de ces institutions qui nous méprisent. Les interruptions de matchs n’ont également aucun intérêt et ne contribuent qu’à empirer la situation, créant un effet d’escalade. C’est à nous de nous autogérer pour développer des espaces de discussions pour faire des kops des espaces subversifs où tous les marginaux peuvent exister.
Mais alors on fait quoi ? Plusieurs solutions me semblent possibles. Premièrement il y a la possibilité du groupe de supporters LGBT dans le stade comme cela se fait beaucoup en Angleterre. Cela peut être une possibilité si les personnes en ressentent le besoin notamment si le reste des tribunes demeure peu inclusif mais cela ne me semble pas être la bonne solution sur du long terme, le stade doit être un lieu ouvert ou nous n’avons pas à nous séparer à cause d’une identité sexuelle ou de genre différente..
Certains groupes à l’image de ceux du Bayern (Munich), de Sankt Pauli (Hamburg) ou de Bordeaux en France ont décidé d’engager franchement leur groupe dans une lutte contre l’homophobie avec drapeaux et banderoles. Cela me semble être la meilleure perspective pour l’avenir mais cela se travaille sur le long terme, et dans certains cas, il sera peut être nécessaire d’avoir des solutions plus immédiates pour qu’au moins, nous n’ayons plus à ressentir de malaise en virage.
Un grand changement serait que les capos arrêtent de lancer les chants homophobes. Cela me semble assez simple à mettre en place au sein des différents groupes de supporters et les changements que ça pourrait impliquer seraient déjà énormes pour les fans LGBT. Une autre action indispensable consisterait à verbaliser le fait que nous sommes des personnes à respecter et que les comportements oppressifs envers les personnes LGBT entraînent une exclusion du kop (tribune populaire), pour que nous nous y sentions en sécurité même visibles (avec drapeaux par exemple).
Du reste, c’est à force d’échanges et d’actions que nous parviendrons ensemble à créer des espaces où nous serons réellement tous et toutes uni-es derrière notre équipe locale.
Pour parvenir à cela, vous pouvez me contacter, en tant que groupe ou individu, pour discuter voire programmer une rencontre : ultraspashomophobes@riseup.net
Leave a Reply