“Rani Assaf se contente d’une gestion au rabais en attendant l’eldorado du nouveau stade”

Ce week-end les groupes de supporters nîmois appelaient à manifester leur mécontentement face à la politique désastreuse de Rani Assaf, président du Nîmes Olympique. Nous avons échangé avec Guillaume, membre des GN91 et responsable du blog Le Petit Chose. Il revient sur les raisons du conflit.

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Tout d’abord, peux-tu nous revenir sur les dernières semaines et nous dire deux trois mots sur le contexte actuel autour du Nîmes Olympique?

La conférence de presse du mercredi 10 novembre, commune à tous les groupes de supporters nîmois, avait pour but de montrer notre union et notre opposition à la politique du président Rani Assaf, de détailler tous nos griefs, et surtout d’appeler le peuple nîmois au rassemblement et à l’union sacrée de ce samedi en centre-ville. Depuis que le président est au club, son attitude est plus que méprisante envers les supporters, les salariés, et l’identité si particulière du Nîmes Olympique… Si bien qu’aujourd’hui, il fait quasiment l’unanimité contre lui. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est la hausse des tarifs cette saison, avec des places qui oscillent entre 15 et 30€, ainsi que l’absence d’abonnement. Cette décision a fait basculer les derniers indécis. Nous considérions que c’était à nous, groupes de supporters organisés, d’agréger la colère et de mener la fronde. Lors de l’avant-dernier match face à Niort, il y avait moins de 1000 spectateurs aux Costières. Puis seulement 600 face à Quevilly-Rouen. Le même nombre que nous lors du rassemblement sur le parvis de la Maison Carrée où toute la famille du Nîmes Olympique était réunie, avec la présence remarquée d’anciens joueurs.

Justement, peux-tu resituer un peu les origines de tout ça? Comment ça a démarré ?

Rani Assaf débarque chez nous en 2014 en compagnie de Jean-Marc Conrad et Serge Kasparian, tous deux tombés pour avoir tenté de truquer des matchs. Assaf devient très vite seul maître à bord alors qu’il ne comprend pas grand chose, ni au monde du football, ni à l’identité nîmoise. Son premier coup de Trafalgar, c’est le changement du logo historique du club, non concerté évidemment, pour nous affubler d’une immonde bouse. Suite à notre fronde, le logo de la honte disparaîtra au bout d’une saison seulement, celle de la montée en Ligue 1. On comprend très vite qu’Assaf n’en a pas grand chose à faire des symboles et de l’histoire du NO. Il a des idées en tête et compte bien les mettre en place contre vents et marées. S’en suit une infinité de décisions ubuesques et d’attitudes méprisantes… Pour les supporters, on peut citer au hasard les plaintes nominatives et arbitraires pour utilisation de fumigènes, les fermetures de billetterie au Pesage Est, la rupture du dialogue, son silence après l’agression des supporters par la police après le déplacement interdit à Marseille, puis plus récemment l’absence de guichet au stade, et la fameuse augmentation du prix des places. Sans parler des abonnements des saisons “Covid” qui n’ont toujours pas été remboursés, ce qui a le don d’énerver beaucoup de supporters.

Les supporters nîmois lors du rassemblement du samedi 20 novembre.

De loin on a le sentiment que cette gestion désastreuse à plusieurs niveaux a des répercussions directes, depuis un moment, sur la situation sportive qu’on qualifiera d’inquiétante.

En interne, il brille surtout par son absence, par son mépris du peu de salariés encore au club, du staff, des joueurs, des partenaires… Globalement, il dégage tous ceux qui apportent de la contradiction. Sportivement, il a détricoté tout ce qui avait permis de vivre un rêve éveillé pendant trois ans, depuis la saison des -8 points en Ligue 2 jusqu’à la 9ème place en Ligue 1. On avait un entraîneur incroyable, des joueurs du cru amoureux du club et des recrues qui se sont intégrés remarquablement… Il y avait une véritable osmose, un alignement des planètes dont le club n’a pas su profiter. Au contraire, tous les bons éléments sont partis, dont les plus emblématiques sont Bernard Blaquart et Renaud Ripart. En parallèle, Assaf a pris la décision dernièrement de lâcher l’agrément du centre de formation afin d’être sûr qu’une nouvelle génération dorée n’émerge surtout pas. Maintenant, on veut faire du trading… Mais on le voit bien en ce moment, Rani Assaf se contente d’une gestion au rabais en attendant l’eldorado du nouveau stade. Un maintien tranquille en Ligue 2 dans un stade vide, voilà l’ambition du club à l’heure actuelle.

Et ce projet de nouveau stade, comment est-il accueilli parmi les supporters? Y a-t-il une opposition?

Le projet de stade en question est en fait un projet immobilier de grande envergure dont le stade n’est qu’une composante. Rani Assaf va créer  un “éco-quartier” qui comprend le stade et des logements, des commerces et des bureaux. C’est devenu le seul leitmotiv d’Assaf. Malgré tout, il n’y a pas vraiment d’opposition sur le nouveau stade en tant que tel. Tout le monde a conscience à Nîmes que le stade actuel est vétuste. De l’intérieur, il paraît avoir été laissé à l’abandon par la mairie. C’est un stade qui a trente ans mais qui n’a jamais eu d’entretien. Il n’y a vraiment plus rien à en tirer. Donc un nouveau stade, personne n’est réellement contre dans l’absolu. Surtout que le projet n’est pas si mal, même s’il est un peu plus petit.

La capacité passerait de 18 000 actuellement à 15 000…

Mais ça reste conforme aux affluences. On n’a pas souvent dépassé les 18 000, hormis deux trois fois depuis trente ans. Après réflexion, 15 000 ça paraît être une bonne capacité avec des tribunes proches du terrain. Au printemps dernier – alors que ça faisait des mois qu’on était en conflit avec lui – Rani Assaf nous avait convié à une réunion pour parler du nouveau stade. On avait exigé une tribune debout et d’autres installations nécessaires à l’animation de la tribune, comme un perchoir, un petit local, un endroit pour vendre notre matos, etc. Et, comme quoi Rani Assaf est surprenant parfois, il a absolument accepté sans la moindre hésitation toutes nos demandes. Donc on pourrait avoir un stade avec une tribune vraiment propice à l’animation. Avec aussi une coursive en haut du stade qui permettra de passer de tribune en tribune. D’un côté, ce n’est pas si mal.

Malgré tout, vous restez vigilants au sujet du futur stade?

Là où il y a une inquiétude, c’est autour de ce qu’il veut en faire. Déjà il y a quasiment une tribune entière qui sera réservée aux loges. C’est déjà un peu embêtant. D’autant que, hors matchs, cette tribune sera un hôtel de luxe avec un restaurant gastronomique, une piscine chauffée en extérieur… enfin voilà, tout ce qui ne correspond pas à un stade de foot. Donc on a vraiment peur que ça devienne un supermarché géant. Et puis surtout, on a vraiment l’impression que pour Rani Assaf il ne s’agit pas du tout d’un outil de développement pour le club mais d’une fin en soi, une vraie opération immobilière qui se suffirait à elle-même. Ce qu’on craint en réalité, c’est toute la politique qu’il y aura derrière ce stade. Au niveau sportif, on a vraiment peur que ça devienne une coquille vide.

Tu parlais de Renaud Ripart tout à l’heure, c’est un symbole de l’identité du club. Il avait pris parti pour vous face à la direction. Son départ à l’intersaison est-il symptomatique de la crise que traverse le club?

Oui, il a soutenu les supporters. Il s’est aussi opposé à la fermeture du centre de formation quand il était encore au club. On parle beaucoup à Nîmes de valeurs du club, d’identité du club, de culture nîmoise etc. Renaud Ripart concentre tout ça. C’est l’incarnation même de ce qu’est le Nîmes Olympique. C’est pas Messi, c’est pas Neymar, c’est pas le meilleur joueur du monde par contre c’est un joueur qui se bat, qui est valeureux et volontaire, qui est prêt à se défoncer pour le maillot. C’est aussi quelqu’un qui a une grande gentillesse derrière sa hargne de guerrier et qui est aussi très très proche du public. Il se promène dans Nîmes de longue. Encore aujourd’hui dès qu’il a deux jours de libre avec Troyes, il redescend à Nîmes et vient manger aux Halles, le marché historique, au milieu de tous les Nîmois. C’est un mec qui vient servir des verres au bar à la Feria. En fait, Renaud Ripart c’est Nîmes. Et ça a été un énorme crève-cœur de le voir partir parce que c’est notre étendard qui est parti. Avec son départ, on a bien senti que c’était toute l’âme du Nîmes Olympique qui s’en allait. On s’en rend bien compte aujourd’hui avec une grosse sensation de vide. C’est pour ça qu’une fois son départ acté, on lui rendu un gros hommage en présence de sa famille au Jardin de la Fontaine, avec des chants et un voile avec son portrait.

Rani Assaf est même parvenu à attirer dans ces filets Laurent Tourreau, ancienne figure des Gladiators, devenu un temps directeur des opérations du Nîmes Olympique. Comment ça s’est fait et surtout qu’est-ce que ça a changé pour vous?

Laurent Tourreau, c’était un personnage emblématique de notre groupe. Il a été capo et président. C’était le personnage le plus connu des tribunes nîmoises. Son recrutement remonte à l’époque du changement de logo, du jour au lendemain, quand Rani Assaf a repris les rênes du club. Il a d’ailleurs été supprimé au bout d’un an. Donc, il nous sort un logo dégueulasse, on apprend ça par les réseaux sociaux, et aux Gladiators on a peu pris la tête de la fronde. On a fait une campagne contre ce nouveau logo et c’est Laurent Tourreau qui était à la pointe de ce combat. Il a fait la connaissance de Rani Assaf à cette époque. Je pense qu’il lui a un peu tapé dans l’œil et qu’au final, malgré leur opposition sur ce sujet, ils ont beaucoup discuté et ont fini par sympathiser. Rani Assaf, c’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’amis, surtout à Nîmes, et je pense que ça lui faisait plaisir d’avoir quelqu’un qui connaissait le club et qui savait parler et communiquer. Il l’a un peu enrôlé comme ça. Et Laurent Tourreau qui est un grand amoureux du Nîmes Olympique pouvait difficilement refuser la proposition de poste. Par contre, à partir de là, on aurait pu penser que c’était une bonne nouvelle pour les supporters, mais finalement ça n’a pas eu beaucoup d’effets sur la politique de Rani Assaf à ce niveau. Il ne nous a pas enfoncé, mais il ne nous a pas beaucoup défendu non plus. Voilà, ça n’a pas eu l’impact espéré d’avoir un ancien ultra au sein du club. Malheureusement je pense qu’il a été, comme tous les autres employés du club, étouffé par la mainmise de Rani Assaf et qu’il ne pouvait pas faire grand-chose de plus. Peut-être qu’il aurait voulu, mais en tous cas il n’a pas pu, c’est une certitude. Et puis très récemment, il s’est fait évincer du club. Il était trop en désaccord avec Rani Assaf, notamment sur le prix des places et sur le centre de formation. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Laurent. Il s’est un peu éloigné de tout. Peut-être qu’il va réapparaître et j’espère qu’il pourra en dire plus sur la gestion de Rani Assaf de l’intérieur. Il était présent au rassemblement, c’est peut-être un signe.

Laurent Tourreau et Rani Assaf, avant que le courant ne passe plus.

Le dialogue est-il toujours possible avec un personnage comme Rani Assaf? On a parfois l’impression que le conflit a atteint un point de non-retour.

On ne peut pas parler de point de non-retour à l’heure actuelle, nous espérons encore ramener Assaf à la raison. Et aux Gladiators nous sommes par principe toujours ouverts au dialogue avec la direction et à la défense de nos points de vue face au principal intéressé. On ne ferme jamais la porte et on préfère résoudre les problèmes comme ça. On estime que c’est la manière la plus directe d’arriver à nos fins. On l’a bien vu dernièrement en discutant avec Rani Assaf au sujet du prix des places. Après une heure de discussion, on a fait baisser le prix des places de 15 à 10 euros. Bon, après il les a ré-augmenté, mais ça c’est une autre histoire. Le problème qu’il y a avec cet homme c’est qu’il est très lunatique, très versatile. Un jour on va pouvoir dialoguer avec lui et obtenir des choses et le lendemain il va nous envoyer bouler comme des malpropres. C’est vrai que c’est compliqué de discuter avec lui et qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre. Mais on préfère maintenir la discussion. Et, de toutes façons, on n’a pas vraiment le choix. Il faut être honnête, ça va être très difficile de le faire partir. Son projet est lancé et il va aller au bout. Notamment parce que la mairie de Nîmes, à qui appartenait le Stade des Costières, a bien voulu lui vendre sans aucune garantie, même si la mairie n’a pas encore délivré le permis de construire. Tout n’est peut-être pas fini de ce côté là. En attendant, aujourd’hui il a quasiment les pleins-pouvoirs sur le stade en plus de les avoir sur le club. Donc je ne vois pas pourquoi il partirait, sachant que sa politique a rencontré une forte opposition et que ça ne l’a pas fait flancher.

Propos recueillis par YDH

 

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