“Pourquoi Patrice Haddad doit quitter le Red Star”: l’argumentaire des supporters

Les supporters avaient prévenu qu’ils ne resteraient pas les bras croisés après la vente du club au fonds d’investissement 777 Partners. Regroupés sous l’entité “Tribune Rino Della Negra”, le Collectif Red-Star Bauer et les Red Star Fans ont publié quatre textes demandant le départ du président Haddad.

Les jours de Patrice Haddad à la tête du Red Star sont-ils comptés? La seule chose que les ultras audoniens consentent à mettre à son crédit, c’est la stabilité financière du club depuis que le patron de Première Heure – société de production de spots publicitaires – l’a racheté en 2008. Mais le compte n’y est pas pour les supporters qui estiment que “les motifs de mécontentement se sont multipliés depuis 14 ans et ont atteint un point de non-retour ces derniers mois.”

La patience de ces amoureux du club a donc atteint ses limites et, si les relations avec Haddad étaient loin d’être harmonieuses, cette fois-ci le message est limpide: “sa présence au Red Star doit prendre fin“. Et la démarche de la Tribune Rino Della Negra a le mérite d’être argumentée, point par point. Le président paye globalement la répétition de son mépris pour l’ancrage, l’identité et l’histoire du club légendaire de la “banlieue rouge” et du 93.

Celui qui a toujours été prêt à sacrifier Bauer

Concernant le Stade Bauer, Patrice Haddad se voit reprocher “une vision contre le sens de l’Histoire“. La discorde entre le président et les supporters, concernant la situation longtemps incertaine de l’enceinte mythique du Red Star, remonte à 2012. A cette époque, Haddad défendait le déménagement au Docks de Saint-Ouen et la construction d’un complexe flambant neuf et multifonctionnel, au mépris du projet alternatif de rénovation proposé par le Collectif Red-Star Bauer.

Maîtrisant le dossier sur le bout des doigts, les supporters du Red Star nous rafraichissent la mémoire. “Contrairement à ce que la Direction essaie désormais de faire croire, en tentant grossièrement de réécrire l’histoire, sur le site du Club ou dans diverses interviews, c’est uniquement en raison de l’échec de ce projet mort-né et des exils pénibles, à Beauvais puis à Jean Bouin, que, la raison l’emportant, Patrice Haddad a fini par consentir à la nécessaire rénovation de Bauer.”

Son incompréhension totale de ce que représente Bauer pour les amoureux du Red Star s’est encore manifestée au moment des échanges sur le rachat du stade par le promoteur Réalités. Haddad s’était alors montré hostile à la volonté populaire de préserver l’appellation du stade de tout naming. Une position jugée honteuse par le collectif de supporters. Le président subira un nouveau camouflet avec l’introduction d’une clause de non-naming dans le contrat de vente entre la ville de Saint-Ouen et Réalités, protégeant ainsi le nom du docteur Jean-Claude Bauer, résistant juif communiste fusillé en 1942.

Haddad et le “football populaire washing”

Le Red Star a souvent été érigé de façon opportuniste en anti-PSG. Au grand dam du noyau dur des fans, la direction a cyniquement cherché à capitaliser sur la hype bourgeoise-bohème qui s’est développé ces dernières saisons autour du club banlieusard, en ciblant une nouvelle clientèle “branchée”, un public « moins concerné par les enjeux sportifs et peu sensible aux atteintes faites à l’Histoire et à l’identité du club.» Une stratégie dans laquelle les partenariats controversés avec Vice et surtout Uber, dénoncés à l’époque par les supporters, s’inscrivent pleinement.

L’argumentaire des supporters dénonce « l’hypocrisie quant aux prétendues valeurs du club défendues par Patrice Haddad, lequel n’hésite pas à se construire une image artificielle de défenseur du football populaire et de la “singularité” (son dernier terme à la mode) du Red Star, se faisant ainsi le concepteur d’un véritable “football populaire washing”.» Propulsé “Brand manager” du Red Star, David Bellion en prend aussi pour son grade.

L’ancien joueur du club, «égaré dans un univers pseudo-artistique étrange», incarne aux yeux des supporters ce merchandising outrancier développé par le club et les « expérimentations inacceptables». On se souvient du design folklorique du maillot de la saison 2021/22 et ses patchs à scratch permettant de recouvrir le blason du club par d’autres logos, y compris d’autres clubs. Dans sa campagne publicitaire, le club ose alors un “au Red Star, il n’y a pas que le Red Star”, comme une réponse idéologique à un des chants emblématiques de la Tribune Rino Della Negra, “Il n’y a que le Red Star”.

A la recherche du projet sportif

On ne peut pas vraiment dire que cette énergie mise dans le développement économique de la “marque Red Star” se reflète dans la performance sportive des Vert et Blanc. C’est même l’inverse. il y a une réelle différence de conception du football entre nous, supporters qui attendons de la Direction qu’elle mette tous les éléments du côté de nos joueurs pour tenter de remporter le match, et Patrice HADDAD privilégiant systématiquement les potentielles retombées médiatiques et marketings de ces affiches, au détriment du sportif.Le bilan sportif de Patrice Haddad en tant que Président du Red Star, c’est factuellement: un Club repris en quatrième division et revendu, quatorze ans plus tard, en troisième division, végétant en milieu de tableau

Manque de cohérence, de vision à moyen ou long terme, instabilité sur le banc (quinze coachs en 14 ans!) et au sein de l’effectif: sur le plan sportif, Patrice n’aura pas marqué le Red Star, qui traîne ses couleurs au 3e échelon du football français depuis 2019, de son empreinte. Hormis la 5e place de la saison 2015/16, les passages en Ligue 2 ont été absolument catastrophiques, même s’il faut bien admettre que l’impossibilité de jouer à Bauer – non-homologué – n’a pas aidé.

Mais, alors qu’en Coupe de France jouer à Bauer était possible, Haddad a systématiquement opté pour des matchs délocalisés afin d’augmenter ses recettes. «Il y a une réelle différence de conception du football entre nous, supporters qui attendons de la Direction qu’elle mette tous les éléments du côté de nos joueurs pour tenter de remporter le match, et Patrice Haddad privilégiant systématiquement les potentielles retombées médiatiques et marketings de ces affiches, au détriment du sportif

Pas de pardon pour la vente du club à 777 Partners

Les supporters du Red Star ont eu beaucoup de choses à reprocher à Patrice Haddad au cours de ses quatorze années à la tête du club. Mais l’affront ultime du président est bien la vente du club au fonds d’investissement américain 777 Partners, déjà propriétaire du Genoa et du Standard de Liège. Un profil («propriétaire multi-clubs, sans lien avec le territoire, modèle court-termiste présentant des risques de conflit d’intérêts») qui provoque logiquement la méfiance des amoureux de l’Étoile Rouge.

Au delà de cet inquiétant acquéreur, la façon dont la vente a été faite par Haddad, «à la sauvette, comme on vendrait une fausse Rolex sous le périphérique, porte de Clignancourt», n’a pas été digérée par les supporters. On servant sur un plateau, en échange d’une coquette somme pour un club de 3e division, le club à 777 Partners, Haddad prétend que «cette vente est une manière de protéger la “singularité” du Red Star

Maintenu dans ses fonctions présidentielle par les nouveaux propriétaires, son départ serait une première victoire dans la longue bataille que la Tribune Rino Della Negra a promis de mener face aux menaces qui pèsent sur le club. «Si 777 Partners a eu la naïveté de croire que Patrice Haddad était effectivement un gage de stabilité pour un développement sportif ambitieux du Club, nous savons, pour notre part, qu’il n’en est rien ». La saison promet d’être mouvementée du côté du Red Star.

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