Sócrates, reviens! Ils sont devenus fous!

Une fièvre fascisante semble s’être emparée de certaines figures du football brésilien, de Ronaldinho à Lucas Moura en passant par Rivaldo, Cafu, Felipe Melo ou encore Marcelo de l’Olympique Lyonnais. Toutes ces stars ont en commun d’avoir publiquement apporté leur soutien à Jaïr Bolsonaro, candidat d’extrême-droite à la présidence du Brésil, largement en tête au soir du premier tour avec 46% des voix.

Extrait du compte Instagram de Rivaldo: “Les vrais problèmes du Brésil sont la crise économique, la violence, la corruption. Ce dont on parle dans cette campagne: théorie du genre, machisme, racisme et féminisme.“

Après ça, difficile de dire que les footballeurs ne s’engagent pas politiquement. Ces footballeurs pro-Bolsonaro ont mis leur image et leur notoriété au service de la campagne électorale de l’ex-gradé de l’armée brésilienne, candidat désigné de l’ordre et de la sécurité. Un candidat clairement nostalgique de la dictature militaire de 1964 à 1985. Fin 81, des footballeurs du SC Corinthians de Sao Paulo s’étaient alors jetés avec leurs moyens dans le combat démocratique pour y mettre fin. Les noms de Sócrates, Wladimir ou Casagrande et l’expérience de la Démocratie Corinthiane, restent gravés dans la mémoire collective comme de fiers opposant au fascisme.

Mais cette mémoire a tendance à s’effacer comme sur les ardoises magiques. La crise économique de 2014, a provoqué une explosion du chômage et du surendettement. A ce climat s’ajoute la désillusion massive vis à vis des soit-disant “candidats du peuple”, les Lula, les Dilma Roussef, empêtrés dans les scandales de corruption. Terrain propice à Bolsonaro qui a su se frayer un chemin vers la présidence avec un programme farci de mesures anti-sociales dramatiques pour les Brésiliens les plus pauvres.

Ne nous y trompons pas, les joueurs dont nous parlons, interpellés dans la presse par l’ancien lyonnais Juninho – un des rares à avoir pris publiquement position contre Bolsonaro – ont laissé les favelas loin derrière eux. Ils ont des intérêts propres à préserver. Ce sont des riches. Ils possèdent des sociétés, du patrimoine et ont beaucoup d’argent sur leurs comptes en banque. Mettre leur image de star au service d’une campagne d’extrême-droite sans avoir peur de retombées négatives, implique d’avoir bien identifié son camp. Les mesures fiscales, favorables aux plus fortunés, et la politique ultra-sécuritaire prônées par Bolsonaro, les y ont certainement aidé.

Depuis la Démocatie corinthiane, les temps ont bien changé. Ironie du sort, aujourd’hui le numéro 10 des Corinthians, Jadson, est un fervent partisan de Bolsonaro. Tout comme le très conservateur Kaká, Ballon d’Or 2007, connu pour son prosélytisme frénétique au service des Athlètes du Christ, un rassemblement de sportifs de haut niveau fanatiques de Jésus.  D’ailleurs, le candidat d’extrême-droite peut compter sur un fort appui des évangélistes, en constante augmentation au Brésil, dont près de 40% déclarent voter pour lui, séduits par son homophobie, sa défense de la famille traditionnelle et son rejet de l’avortement. Felipe Melo, un autre évangéliste revendiqué, n’a lui pas manqué de dédicacer un de ses buts avec Palmeiras à Bolsonaro qu’il appelle alors “notre futur président”, par ailleurs supporter déclaré du club.

Neymar (PSG) et Gabriel Jesus (Manchester City) ont été plus prudents ne se prononçant pour aucun des deux candidats du second tour. Toutefois, un like suspect à la publication Instagram d’Alan Patrick du Shaktar Donetsk, appelant à voter Bolsonaro, ne manque pas d’interroger quant à leur réelle intention. A quelques heures du scrutin, le candidat d’extrême-droite est donné largement favori. Alors qu’au Brésil de nombreux groupes de supporters se sont positionnés contre Bolsonaro, espérons qu’ils sauront faire payer la note aux footballeurs qui l’ont soutenu.

Édito n°2

 

5 Trackbacks / Pingbacks

  1. Agression militaire de la Turquie au Rojava, ces footballeurs qui ont du sang sous les crampons – Dialectik Football
  2. Deniz Naki n’abdique pas – Dialectik Football
  3. Quand les footballeurs ne jouent plus le jeu de la paix sociale – Dialectik Football
  4. Bolsonaro durcit la législation anti-supporters au Brésil – Dialectik Football
  5. Marcelo et Bolsonaro, la question qui fâche – Dialectik Football

Leave a Reply

Your email address will not be published.


*