Depuis le début de la saison, les ultras italiens mettent la question du prix des places sur le tapis. La contestation contre la hausse des tarifs s’étend et ne risque pas de s’éteindre. La revendication de “prix populaires” en secteur visiteur pourraient bien gagner aussi les virages à domicile. Les ultras prennent leur part dans la lutte contre la vie chère.
Les banderoles arborant le slogan “Prezzi popolari per settori popolati”, avec quelques variantes, fleurissent dans les tribunes ou aux abords des stades. A Parme, Bergame, Brescia, Palerme, Florence, Bologne ou encore Lecce, des ultras de l’ensemble de la péninsule unissent leurs voix pour réclamer des “prix populaires pour des parcages plus peuplés”. Du sud au nord du pays, jusqu’aux divisions inférieures, ils protestent contre les prix prohibitifs, et globalement en hausse, pratiqués dans les stades italiens. Dernier exemple en date, les ultras de Palerme, en déplacement à Nola, qui ont du s’acquitter de la somme de 17€ pour accéder au secteur adverse du stade, tout ça pour un match de Série D, la 4e division.
La vie chère ne s’arrête pas aux portes du stade
Au Chili, l’augmentation du prix du ticket de métro a été l’étincelle qui a mis le feu à la capitale. En France ou en Equateur, c’est partie de la hausse du prix du carburant. Plus largement, à l’échelle internationale, la vie chère est une préoccupation centrale dans la vie des couches les plus précaires. Il ne s’agit pas de mettre sur le même plan la hausse du prix des places dans les stades avec celle des produits de première nécessité. Juste de dire que toutes ces hausses de prix participent à une même logique économique. Et comme toutes les hausses de prix, celle du billet pour entrer au stade frappe en priorité les supporters les moins fortunés, déjà impactés par des augmentations en tous genres: loyer, énergie, santé etc.
Voilà dans quel contexte il est important de replacer la protestation des groupes ultras en Italie, fidèles au rôle social qu’ils jouent, au-delà des tribunes. C’est une bataille autant sociale que culturelle qui a été enclenchée. Sociale, car l’augmentation des prix à mesure que les porte-monnaie se vident, prive de plus en plus de supporters de la possibilité de suivre leur équipe. Culturelle, car derrière ce mouvement, on retrouve la défense d’un football populaire, accessible aux plus pauvres, et où les supporters ne seraient pas considérés comme de vulgaires clients.
Comme en France, les recettes de billeterie ne représentent que 10 à 12% des revenus des clubs. Ce sont les mauvais élèves en la matière des cinq principaux championnats européens. Et ces dernières années, avec un taux de remplissage autour de 60%, les stades italiens sonnaient déjà les plus creux du Big 5. La répression est aussi pour beaucoup dans cette désertion des tribunes. Mais, alors qu’en France une maigre avancée a récemment été obtenue par les groupes de supporters avec le plafonnement des tarifs visiteur à 10 euros en Ligue 1 (5 euros en Ligue 2), en Italie il n’y a pas d’uniformisation. Les Boys 1977 de Parme estiment pour leur part qu’il s’agit du prix “le plus juste”. Celui qui permettrait à un plus grand nombre de personnes de suivre leur équipe en déplacement. La mise en place de ce tarif n’est pas irréaliste. Les ultras parmesans s’appuie sur le match Sampdoria-Parme de décembre 2018 où le billet visiteur avait été fixé à 10 euros. Le jumelage entre les ultras des deux équipes a sans aucun doute pesé. Les Boys de Parme ont, depuis de la début de la saison, sorti à plusieurs reprises des banderoles réclamant que ce tarif soit appliqué à tous les secteurs visiteurs. Exemple de prix prohibitifs rencontrés par les fans parmesans en déplacement: 35 euros la place à Frosinone pour un match en semaine, ou encore 45 euros au Juventus Stadium, quand le prix moyen tourne autour de 28,50€.
Et les virages?
Pour l’instant, les ultras se heurtent aux dirigeants de clubs qui n’infléchissent pas leur politique tarifaire. Au contraire, la plupart cherche même à compenser un manque-à-gagner en terme de billeterie, qu’ils estiment à 350 millions d’euros. Des prix qui se justifieraient aussi selon certains par le manque de rentabilité économique des stades en Italie, relevant encore majoritairement d’une gestion publique, et dont très peu ont été rénovés. Un modèle archaïque pour les capitalistes du football qui voient dans la “modernisation” des stades l’occasion de multiplier les sources de revenus. Ce que répondent les ultras par leur mouvement, c’est qu’ils refusent de subir les stratégies commerciales des clubs.
Mais les dirigeants auraient tord de sous-estimer ce mouvement. Si la protestation porte principalement sur les tarifs en secteur visiteur, on voit aussi apparaître des banderoles réclamant “Des prix populaires pour des stades plus peuplés”. On a déjà vu dans un passé proche, à Naples par exemple, des ultras se dresser contre des tarifs trop élevés et réclamer des prix décents. Elargir la revendication aux virages, il n’y a qu’un pas que certains groupes sauront franchir, et à raison.
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