Sur fond de rejet des mesures sanitaires imposées, les populations martiniquaise et guadeloupéenne ont lancé un vaste mouvement social soulevant des revendications portées parfois depuis plus de dix ans. Concentrés sur comment mater la révolte, les préfets ont interdit aux matchs de Coupe de France prévus, de se tenir.
Aux Antilles, quand l’état français tente de réimposer son autorité ça a toujours un sale arrière-goût colonial. Face aux revendications sociales fortes, les premières réponses sont répressives: plusieurs dizaines d’interpellations, mise en place d’un couvre-feu entre 18h et 5h du matin, et envoi des troupes du GIGN et du RAID. A quelques mois des 55 ans de la révolte de Mai 67, le gouvernement Macron montre qu’il a le sens de la mémoire historique… celle de son camp.
Vie chère et inégalités sociales
Lancée le 15 novembre dernier par une grève générale pour protester à l’origine contre l’obligation vaccinale des soignants et des pompiers, la contestation s’appuie sur différents moyens d’action – des blocages aux pillages, en passant par les incendies (notamment de commissariat comme à Morne-à-l’Eau) – qui témoignent de détermination des manifestants, mais aussi de leur désarroi, douze ans après la dernière révolte d’ampleur.
S’il semble tentant pour le gouvernement, dans sa stratégie de communication, de réduire au maximum ce qui se passe à la question de la vaccination, il ne fait plus aucun doute qu’il ne s’agit que d’une étincelle. Ce qui pousse les gens à rester dans la rue, c’est la vie chère qui règne aux Antilles et les inégalités sociales qui écrasent la population. Tout cela sur fond de scandale du chlordécone, pesticide dont les bananeraies ont été massivement arrosées jusqu’en 1993, causant des maladies et polluant les sols pour plusieurs siècles.
Pas de cocotiers pour Sarre-Union
L’US Sarre-Union (N3) et sa délégation de 65 membres s’étaient préparés à aller jouer un exotique 8e tour sous les cocotiers face à la Solidarité Scolaire. L’équipe de Baie-Mahaut sortie vainqueur de sa finale “ultra-marine” face à l’AS Gosier deux jours avant le déclenchement de la grève. Dans la presse, le président du club alsacien n’a pas caché sa déception. “Mais bon on doit obéir aux directives gouvernementales et penser sécurité avant-tout.” concède-t-il fataliste. Se plier aux ordres est une chose, mais ça n’empêche pas qu’on aurait aimé lire un mot de solidarité pour les Guadeloupéens et la justesse de leur cause. Mais il ne faudra a priori pas compter là-dessus.
Prévu ce samedi 27 novembre, le match a été reporté et déplacé en métropole sur décision du préfet dans la foulée de l’instauration du couvre-feu. Il aura finalement lieu le 5 décembre prochain au stade Robert-Bobin de Bondoufle, dans l’Essonne. Même tarif pour la rencontre Club Franciscain-SO Cholet qui devait avoir lieu en Martinique, où grèves et blocages perturbent sérieusement le fonctionnement quotidien – transports et écoles à l’arrêt – depuis plusieurs jours. Les joueurs de Cholet, arrivés dans l’île avant cette décision, sont rentrés sans avoir joué.
Des précédents
Ajourner et déplacer un match de football, dans un contexte de fortes tensions sociales, n’est plus banal. C’est devenu un réflexe préfectoral. En raison des manifestations insurrectionnelles des Gilets Jaunes, début décembre 2018, six rencontres de la 17e journée de L1 avaient été reportées. Les préfectures et le Ministère de l’Intérieur font le choix de concentrer les forces de police sur le maintien de l’ordre et justifient souvent ainsi l’impossibilité d’encadrer les abords des stades et des matchs.
Hors de France, les émeutes de Tottenham en 2011 avaient eu raison d’un nombre à peu près similaire de matchs, dont un amical de la sélection nationale face aux Pays-Bas, à Wembley. Lors de l’estallido d’octobre 2019 au Chili, la situation était un peu différente dans le sens où, ne pas permettre la reprise du championnat était une volonté des principales barras bravas du pays, impliquées dans les révoltes urbaines contre la politique libérale et autoritaire de Piñera. A l’inverse, en Espagne, la grève émeutière des métallurgistes de Cádiz n’empêchera pas la réception ce dimanche de l’Atlético Madrid au Nuevo Mirandilla.
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