Les groupes ultras en choeur contre une reprise anticipée et à huis clos en Ligue 1 et Ligue 2

Les ultras ne se rendront pas complices d’une reprise prématurée des championnats. Le contraire aurait été étonnant, mais un communiqué unitaire publié ce lundi 13 avril, signé par 45 groupes et associations de supporters officialise leur position, et ne manque pas au passage de dénoncer les travers de l’industrie du football.

« Il est urgent d’attendre. Il n’est pas envisageable que le football reprenne prématurément. Il n’est pas envisageable qu’il reprenne à huis clos. Il reprendra en temps voulu quand les conditions sanitaires et sociales seront réunies ». Voilà l’avis d’un grand nombre de groupes de supporters.

Depuis le début du confinement et l’arrêt des championnats, les groupes ultras et associations de supporters s’étaient distingués par un engagement au quotidien auprès des personnels soignants via toute sorte d’initiatives, notamment des collectes de fonds pour acheter du matériel ou des vivres. Une activité de solidarité qui témoigne du sens des priorités dont font preuve ces groupes, toujours sans arrière-pensée intéressée, pas même celle de se rendre plus sympathiques aux yeux d’une partie de la population remplie de préjugés sur les supporters.

« Loin de ces réalités dures, concrètes, loin de cette solidarité capillaire et anonyme, certaines “têtes pensantes” du football se querellent. Se querellent en privé. Se querellent en public. Se querellent dans la presse. Sur la reprise du championnat. Sur les règles applicables en cas d’arrêt des compétitions. Sur l’argent. Malheureusement, nous ne sommes pas surpris. » lit-on dans le communiqué.

Car oui, il n’est pas de trop de rappeler que depuis le début de la période de confinement, les dirigeants du football français n’ont eu de cesse d’étaler leur indécence monumentale, en s’agitant en coulisses pour que le football reprenne le plus vite possible quitte à généraliser les huis clos. Tout ça pour remettre la main sur les 150 millions d’euros de droits TV, gelés par les diffuseurs en raison de la suspension des matchs.

Plaidoyer contre le “foot business” des dirigeants et des diffuseurs

Voilà ce qui arrive, serait-on tenté de dire, à un football dont l’économie repose en grande partie sur l’argent injecté par les diffuseurs. Les supporters tirent la sonnette d’alarme : « Ce football se meurt de s’être arraché à ses racines et de n’être pas capable de voir plus loin qu’un exercice budgétaire, qu’une fenêtre de transferts ou qu’un contrat pluriannuel de retransmission télévisuelle. Privé de sa base et privé de toute vision économique de long-terme, le football est devenu un programme télévisuel qui a cru pouvoir se passer de stades pleins, mais qui ne peu surtout pas se passer de l’argent des diffuseurs. » Ce football, ils n’en veulent plus et ils ont raison. De nombreux passionnés et fans, au-delà du monde des ultras, se reconnaîtront dans ces mots.

« Si notre critique d’un football inflationniste, que nous qualifions de “foot business”, donne parfois le sentiment d’être un slogan folklorique, la situation actuelle nous renvoie à sa brutale réalité. À sa brutale inhumanité. À sa brutale vanité. À sa brutale cupidité. À son insupportable indécence. Dans un modèle économique où tout n’est que court-terme et où l’imprévu et l’aléa sont perçus comme l’apocalypse, l’économie a achevé de prendre le pas sur ce qu’est le sport : la performance du terrain, l’exploit sportif, les valeurs, l’émotion et la passion, l’héritage collectif, le patrimoine local… »

Cette prise de parole des groupes de supporters sur la question de la reprise du championnat est salutaire, tant seule la parole déconnectée et cynique des dirigeants occupait jusqu’ici l’espace médiatique. Les ultras donnent une leçon aux dirigeants et rappellent à tout un chacun, à l’heure où les dirigeants sont près à transformer au moins le temps de la pandémie le football en un vaste show télévisé, qu’il n’y a pas de football possible sans supporters en tribunes. « Jouer sans supporters, c’est comme danser sans musique » écrivait Eduardo Galeano. En ce 13 avril, jour du cinquième anniversaire de sa mort, c’est un petit clin d’oeil chaleureux.

Elle met en lumière aussi et exacerbe l’antagonisme, qui ne date pas d’hier, entre les dirigeants du football et le peuple des tribunes. Même si les différents groupes signataires semblent lucides sur l’état du rapport de force. « Nous savons que nos arguments et nos paroles ne pèsent pas lourd face à la puissance aliénante de l’argent. Nous savons qu’à aucun moment n’a cheminé l’idée de prendre le pouls du peuple du football […] Mais nous avons néanmoins la prétention de le dire : le football “coûte que coûte” est un football de honte qui n’aura aucun lendemain. »

Après la pandémie, rien ne sera plus comme avant a dit Alexander Ceferin le patron de l’UEFA. Les ultras suggèrent de ne pas attendre la fin de la pandémie pour commencer à changer la face du football.

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