Marcelo et Bolsonaro, la question qui fâche

Une anodine conférence de presse d’avant-match a secoué un peu plus le malingre cocotier girondin. Recrue du mercato hivernal, le défenseur central brésilien Marcelo n’a pas apprécié se faire rappeler par un journaliste local son soutien au président d’extrême-droite Bolsonaro.

Au moment de ta signature il y a beaucoup de supporters des Girondins qui ont réalisé que tu avais soutenu Jair Bolsonaro…” Au nom du président brésilien, le visage de Marcelo, qui arborait jusqu’ici un large sourire, s’est durcit de gêne. Le journaliste de Sud-Ouest n’a pas le temps de terminer sa question. Marcelo, pas certain d’avoir bien compris qu’on l’emmène sur un terrain miné, le fait répéter puis balaye la fin de la question en re-focalisant sur le déplacement crucial à Lens, avant de se lever et quitter la salle.

Un “Bolsonaro boy” à Bordeaux

Comme des dizaines de ses illustres collègues footballeurs brésiliens, de Felipe Melo à Rivaldo en passant par Jadson et Kaká, lors des élections de 2018, Marcelo a officiellement soutenu Bolsonaro. C’est à dire qu’il a fait le choix de mettre sa personne au service du candidat d’extrême-droite, estimant probablement que c’était celui qui, avec ses mesures fiscales favorables, protégerait le mieux ses intérêts de citoyen qui a beaucoup d’argent sur son compte en banque. Ça n’a jamais été un secret. Et s’il a, sans surprise, été laissé tranquille du côté de Lyon et de ses virages nationalistes, on aurait pu s’attendre à une autre musique du côté de Bordeaux.

C’est que la tendance “politique” du principal groupe ultra local est claire. L’antifascisme des Ultramarines Bordeaux 1987 est de notoriété publique. La question du journaliste prend évidemment tout son sens pour qui connaît un peu l’environnement des Girondins. Alors pourquoi tant de jérémiades sur les réseaux sociaux? La simple petite question sur Bolsonaro y a été jugée plus malsaine que la prise de position du joueur en faveur du président fasciste, nostalgique des tortionnaires de la dictature militaire, homophobe, anti-pauvres et on en passe. Le monde à l’envers.

Certains supporters bordelais, déjà usés par la saison catastrophique des leurs, se seraient bien passé de ce qui ressemble à un début de polémique et auraient préféré un autre timing pour voir le sujet mis sur le tapis, ce qui se comprend. La question aurait pu être posée d’emblée, lors de la conférence de presse de présentation de Marcelo, le 1er février dernier. Mais au fond, plus que le résultat de cette question fâcheuse, mais ô combien légitime, d’un journaliste, tout ce petit emballement n’est-il pas l’effet de l’absence nerveuse de réponse du joueur?

Une union sacrée contre nature

A force de répéter sans argument – autre que les journalistes ne devraient pas poser de questions sensibles dans la situation actuelle – que les accointances bolsonariennes de Marcelo ne sont pas le sujet, elles vont finir par le devenir. En attendant, reste un piteux spectacle et le sentiment de voir s’envoler des valeurs antifascistes au nom d’une union sacrée hasardeuse. Voilà ce qui devrait mettre le peuple girondin en émoi. Au lieu de ça, des voix s’élèvent pour crier à la tentative de déstabilisation. Si le club est déstabilisé aujourd’hui, c’est avant tout par sa saison calamiteuse en Ligue 1 et par l’étonnante complaisance dont bénéficie Gérard Lopez et son projet à crédit, complètement bancal pour l’avenir direct du club.

Avoir les jambes qui tremblent à l’aube du sprint final d’une opération maintien qui s’annonce délicate n’est pas une excuse. Que le club soit dans une mauvaise passe ne date pas d’hier. Et, sauf renoncement majeur, ça ne justifie en rien que la problématique posée par la présence dans l’effectif d’un joueur qui soutient ouvertement un président fasciste soit mise sous le tapis. Il y a parfois des choses qui dépassent le rectangle vert et se positionner est nécessaire. Les Bukaneros 92 du Rayo Vallecano – d’ailleurs amis avec les anciens Devils bordelais – ainsi que les supporters d’Alcorcón ont par exemple su le faire en empêchant l’attaquant ukrainien Roman Zozulya, soutien des milices néo-nazis de son pays, de signer dans leur club.

A lire: Neymar en tête de gondole du FC Bolsonaro

2 Comments

  1. Supporter des Girondins, j’avoue avoir du mal avec la venue de ce joueur qui a priori soutien encore Bolsonaro, c’est chiant d’avoir un type comme ça dans le club. C’est pas non plus plaisant de savoir que Lopez est forcément là pour faire du profit avec un modèle économiquement très incertain.
    Bien entendu, si nous avions eu l’embarras du choix et l’assurance du maintien, je ne pense pas que les choses se seraient déroulées ainsi.
    Je trouve un peu dommage l’angle volontairement “polémique” de cet article, personne à Bordeaux n’est fier du soutien de Marcelo à Bolsonaro, est-ce-que toutefois on doit quelque chose à quelqu’un quand on voit le soutien que Bolsonaro a reçu de tout un tas de footballeurs à travers le monde et du peu de manifestations d’opposition de la part des supporters… Je ne pense pas.
    Analogie d’ailleurs avec la comparaison au cas Zozulya, les milices néo-nazies ukrainiennes n’ont pas reçu le même soutien que Bolsonaro (ce qui n’empêche bien-sûr pas Marcelo d’être un facho en soutenant Bolsonaro)
    Je m’interroge sur la temporalité de cet article : les auteurs de DF sont-ils suspendus aux questions des journalistes du piteux Sud Ouest pour composer ? Je ne pense pas. Si la question n’avait pas été posée, cet article serait-il sorti ? Je ne pense pas non plus.
    Déconcertant donc de ne pas trouver ici de publication abordant le comportement du CUP à l’égard de Neymar (et de tant d’autres choses). Joueur qui a des accointances bien plus appuyées avec Bolsonaro que Marcelo, surtout eu égard de sa grande popularité, là où Marcelo demeure peu connu du grand public. Mais il faut croire que si Nicolas le Gardien ne se déplace pas pour aller poser la question…

  2. Ton commentaire pose de bonnes questions… Et on comprend l’embarras dans lequel se trouvent les supporters girondins dans la période actuelle, qui n’est que la continuité du fiasco King Street-Longuépée.
    En effet, on peut penser que cet article – qui est plus une réaction à un fait d’actualité qu’un article de fond – ne serait jamais sorti sans la “polémique” de la conférence de presse.
    Mais finalement, la question du journaliste de Sud-Ouest importe peu dans cette histoire (tu remarqueras qu’on concède que le timing est bizarre et qu’il aurait très bien pu la poser au moment de la présentation de Marcelo). Et que ce qui nous a surpris, c’est plus l’emballement que ça a engendré et les réactions, y compris de figures du Virage Sud. Assister à la défense du joueur sans nuance, contrairement à toi dans ton commentaire, est révélateur d’une sorte de malaise un peu plus profond, à l’image de l’espèce de soutien contre-nature dont jouit Gérard Lopez, au nom de l’union sacrée en vue du maintien en L1.
    Maintenant sur les autres points soulevés, pour faire vite, opérer une hiérarchie entre le fascisme de Bolsonaro et le poids des milices néo-nazies ukrainienne est toujours délicat. Dans les faits Zozulya a été pris pour cible en raison de son soutien au régiment Azov qui a été intégré à la Garde Nationale de l’Ukraine (ressuscitée en 2014), donc pas si marginal que ça dans le pays. Mais au-delà, globalement ses positions politiques, telles qu’il les a exprimées publiquement sont des positions “patriotes” via sa fondation de soutien à l’armée ukrainienne dont la popularité reste grande dans le pays, en dépit de la porosité avec les différentes factions néo-nazies.
    C’est vrai qu’il y aurait sûrement beaucoup à dire sur Neymar, qui s’est par le passé affiché avec Bolsonaro et Netanyahou. A l’occasion du seul article qu’on avait consacré au soutien des footballeurs brésiliens à Jair Bolsonaro (https://dialectik-football.info/socrates-reviens-ils-sont-devenus-foussocrates-reviens-ils-sont-devenus-fous/) on soulignait son positionnement très ambigu à l’époque des élections de 2018. Rien ne dit qu’on ne creusera pas plus la clémence du CUP à son égard… sur ce sujet.

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