Une ville de 150 000 habitants et deux clubs aux modèles opposés. Ce dimanche à 17h00 à Logroño, capitale de la petite province de La Rioja, au nord de l’Espagne, aura lieu le derby entre l’UD Logroñés et la SD Logroñés en 3e division.
“Un derby qui n’aurait jamais dû avoir lieu”. Voilà comment certains présenteraient cette opposition. Des paroles de nostalgiques. Mais il est vrai que, même si elles n’affichent pas les mêmes valeurs, l’UD Logroñés et SD Logroñés partagent les mêmes racines et une histoire commune. Celle du club historique de la ville, le CD Logroñés, disparu en 2009 et qui a connu sa période de gloire entre les années 80 et 90. Installé dans l’élite de 1987 à 1995, il a même manqué de peu la qualification pour la Coupe de l’UEFA en 89/90. Les stars de l’équipe avaient alors pour nom Manuel Sarabia, Herrero, Quique Setién ou encore Cristóbal qui a terminé sa carrière au PSG au début des années 2000.
Après la faillite, naissance de deux projets
Tristement disparu en 2009, après une dernière décennie chaotique marquée par trois relégations pour raisons financières, le CD Logroñés fait partie de ces équipes espagnoles qui ont payé au prix fort la transformation des clubs professionnels en Sociétés Anonymes Sportives (SAD) à partir de 1992. Un destin tragique partagé par plusieurs clubs de la péninsule parmi lesquels le CP Mérida (2000), la SD Compostela (2006) ou encore l’UD Salamanca (2013). C’est sous l’impulsion du président d’alors, l’homme d’affaires Marcos Eguizábal, que le CDL avait changé de statut juridique. Mais le nom du dirigeant reste associé aux meilleures années des Blanquirrojos. Ironie du sort, il est mort la même année que le club. Pour son tout premier match, la SD Logroñés avait alors rendu hommage appuyé à celui qui avait accepté peu avant d’être son président d’honneur.
Dans pareille situation, se pose immédiatement la question de la suite pour les fidèles supporters qui ne se résignent pas à voir le nom de leur ville rayée de la carte du football national. A Logroño, ce sont deux projets qui ont vu le jour, même si des voix ont émis le souhait de les voir s’unifier – des fans mais aussi des élus municipaux – sans réussite. Il y a la Sociedad Deportiva Logroñés, club populaire géré directement par ses membres sur le modèle “un socio, une voix”. Le club qui s’inscrit dans la démarche d’honorer la mémoire du CD Logroñés historique, a commencé au plus bas niveau régional. L’autre club est l’Unión Deportiva Logroñés, d’emblée fondé en tant que SAD par le riche Felix Revuelta, patron de la firme Naturhouse. Après avoir racheté la place du CD Varea, l’UDL a pu à l’époque repartir directement en Segunda B (du nom de l’ancienne 3e division). Une partie des ultras du groupe Gaunas Sur (connu par sa sympathie envers l’idéologie d’extrême-droite) ont suivi le mouvement et créé le Viejo Fondo, groupe ultra de l’UDL. Aujourd’hui, à Logroño comme à Salamanca ou à Xerez, deux modèles sportifs tout autant que deux philosophies antagonistes se font face. Le derby est alors l’occasion rêvée de se mesurer et, pour le football populaire, de montrer sa capacité à rivaliser sur le terrain malgré des moyens modestes.
Argent vs Humilité
Douze ans plus tard, les deux clubs, qui ont d’ailleurs conservé les couleurs et le maillot rayé rouge et blanc du CD Logroñés, évoluent à nouveau dans la même division. Ils s’étaient déjà retrouvés une première fois en Segunda B entre 2012 et 2014. Mais la SDL avait fini par redescendre à l’étage inférieur avant de ne remonter qu’à l’issue de la saison 2019/20, tandis que de son côté l’UDL accédait pour la première fois de son histoire à la 2e division. Un passage éclair ponctué d’une relégation alors que la SDL réussissait l’exploit d’enchaîner une deuxième montée consécutive. Et voilà comment les deux clubs de Logroño se voient réunis dans cette nouvelle 3e division espagnole, la Primera RFEF.
L’UDL et la SDL se retrouvent ce dimanche pour un derby opposant “l’argent et l’humilité, les affaires et les loisirs”, comme le résume le média El Fútbol Popular. Un rapport de force qui se perçoit aussi dans la différence de budget: 3,2 millions d’euros pour l’UDL quand celui de son voisin populaire s’élève péniblement à 920 000 euros, soit moins du tiers. C’est aussi en-deça du budget minimum qui sera exigé par la Fédération (1,5 millions d’euros), à partir de la saison 2023/24 pour participer à la Primera RFEF. La SDL reste un club modeste qui a quasiment doublé son budget annuel de la saison passée, et dont les socios ont même accepté en assemblée générale d’augmenter le prix de leurs abonnements. Mais le chemin parcouru par la SDL montre que la taille du budget ne fait pas tout.
La logique budgétaire est pour l’instant respectée si on se fie au classement après 6 journées. L’UDL est actuellement 3e avec 13 points, à égalité avec le Deportivo La Corogne et à un point du leader Unionistas, club populaire de Salamanca. Quant à la SDL, elle pointe à la 9e place avec 9 points, requinquée après le récent nul arraché à la dernière minute, au Riazor de La Corogne, chez l’ultra favori du groupe. Comme un symbole, le but de l’égalisation a été marqué par l’emblématique Miguel Ledo, au club depuis sa création en 2009, et reconverti cette saison en supersub avec 2 buts décisifs inscrits en seulement 55 minutes passées sur le terrain. Un ratio de canonnier pour un défenseur central.
L’heure des retrouvailles
Les deux équipes ne se sont plus affrontées en compétition depuis 2014! Une victoire de la SD Logroñés dans le derby lui permettrait de recoller son rival en revenant à un point. Ça c’est pour l’enjeu “comptable”, mais dans un derby le véritable enjeu reste la suprématie. L’accession à la Primera RFEF permet aussi à la SDL, après un exil de quelques saisons à l’Estadio Mundial 82, de retrouver Las Gaunas, le stade historique qu’elle partagera avec son rival cette saison. Ce qui signifie que les deux derbys s’y joueront. A l’heure actuelle le bilan des confrontations penche légèrement en faveur de l’UDL qui apparaît encore légèrement favori. Depuis le début de la saison, elle peut compter en attaque sur l’excellent début de saison du globe-trotter Guarrotxena, actuel meilleur buteur du championnat (5 buts), et sur le jeune belge Jonathan Dubasin.
Les deux équipes ont vu leur effectif sérieusement remanié à l’intersaison, avec chacun une quinzaine de recrues. Côté SDL, parmi les joueurs les plus utilisés par Raúl Llona, on retrouve peu d’acteurs de la montée la saison passée. Hormis le gardien de but Jero Lario – définitivement transféré d’Almeria – font partie des piliers le milieu Emilio Lozano et l’inusable César Caneda (43 ans), défenseur central qui cumule plus de 800 matchs dans les trois premières divisions. Arrivé en 2020 de l’UDL, ce match aura forcément une saveur particulière pour lui. Il plaide pour une “saine rivalité” entre les deux entités. “Nous devons nous réjouir que Logroño ait deux équipes dans cette nouvelle catégorie et espérer que ce week-end il y aura un grand spectacle, surtout pour que les habitants de la ville en profitent.”
Pour ces retrouvailles, les clubs de La Rioja (il y a en plus le CD Calahorra) engagés en Primera RFEF ont mis les formes et passé un accord pour plafonner le prix des places lors des derbys. Un gage de bonne entente entre les trois clubs désireux aussi de créer un bon climat entre les supporters. Une initiative et un état d’esprit qui n’ont pas empêché l’agression, au sortir d’une soirée en ville le 24 septembre dernier, de certains joueurs de la SDL et de leur compagne, par une bande présentée comme des supporters radicaux affiliés à l’UDL. Jero Lario a même été légèrement blessé dans la rixe. Si les faits ont bien entendu été condamnés par les deux clubs, il y a de quoi faire quand même monter la température autour du derby. Le duel entre l’UD Logroñés et la SD Logroñés aura aussi lieu dans les tribunes de Las Gaunas où l’on attend l’une des plus grandes affluences de la saison.
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