“Copa Conquistadores”: la Conmebol délocalise la finale à Madrid

La décision de la Conmebol de délocaliser à Madrid la finale retour de la Copa Libertadores est un coup de tonnerre pour les supporters de River Plate et Boca Junior. Pour les deux rivaux argentins, s’affronter pour le titre de champion continental dans un Superclásico du siècle, est historique. L’instance gouvernant le football sud-américain a décidé de gâcher la fête par une mesure lourde de sens historique. Simón Bolívar doit se retourner dans sa tombe.

Au début des années 70, l’écrivain Eduardo Galeano, dans Les Veines ouvertes de l’Amérique latine, a raconté l’histoire du pillage du continent sud-américain par les puissances coloniales européennes, depuis les conquistadores jusqu’à l’impérialisme nord-américain. Ce titre résonne toujours avec une étonnante actualité, comme si ces veines n’avaient jamais cessé d’être ouverte et qu’elles continuaient de se vider. Et le récent prêt de 57 milliards de dollars du FMI annonce aux couches les plus pauvres que leurs conditions de vie vont se dégrader encore plus.

Bien sûr, à l’heure où l’Argentine – gouvernée par Macri ancien président de Boca Junior – est engluée dans l’inflation et le chômage de masse, une finale délocalisée peut paraître bien futile. Pour autant, la Conmebol n’a pas fait dans la demi-mesure en choisissant de délocaliser la finale retour à Santiago Bernabeu à Madrid. Initialement prévue le 24 novembre au Monumental devant 60 000 personnes, ce match avait été reporté au motif du caillassage du bus des joueurs du Boca par des fans de River à l’entrée du stade. Derrière un prétexte de sécurité, la Conmebol, propriétaire des droits de cette compétition, réalise une importante opération commerciale au mépris des dizaines de milliers de supporters. Parfaite illustration des intérêts contradictoires entre les supporters et l’industrie capitaliste du football.

La capitale espagnole a raflé le lot – moyennant aussi la prise en charge des frais de déplacement des délégations ou encore le remboursement des billets du match reporté – face aux nombreuses autres candidatures de Miami, Gênes, Belo Horizonte ou encore de Doha pour accueillir le match le 9 décembre prochain. Le stade Santiago Bernabeu aurait même été proposé gratuitement à la Conmebol, ce qui a probablement achevé de convaincre la puissante fédération bien plus intéressée par la manne financière en jeu que par le sens historique et politique de cette décision.

En plus de priver de cette finale, en l’organisant de l’autre côté de l’océan Atlantique, un maximum de supporters qui ne pourront pas assumer le coût d’un tel voyage, c’est l’histoire de tout ce continent sur laquelle la Conmebol s’essuie les pieds. Cette compétition s’appelle Copa Libertadores en hommage aux “Libérateurs” de l’Amérique du Sud, dont la figure la plus connue est Simón Bolívar. D’autant que la date du 9 décembre a aussi une forte charge symbolique car c’est la date du déclenchement de la Bataille d’Ayacucho en 1824, l’ultime affrontement des guerres d’indépendance en Amérique du Sud.

Les réactions ne se sont pas faites attendre depuis l’ensemble du continent sud-américain, rebaptisant cette compétition “Copa Conquistadores” ont fleuris sur les réseaux sociaux, bien au-delà des seuls supporters concernés. Quant aux deux clubs ils ont annoncé être opposé à ce que cette finale se joue à Madrid, alors que les billets sont déjà en vente. Nul doute que cette histoire n’est pas encore terminée. Mais même si l’issue peut encore changer, la fracture déjà grande entre les instances et les supporters, n’est pas prête de se résorber.

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