La finale de la Coupe de France entre le PSG et Saint-Etienne marque le retour des compétitions officielles dans le pays depuis leur suspension le 16 mars dernier en raison de la pandémie de Covid-19. Une finale qui se jouera avec une jauge maximale de 5000 personnes dans le stade et qui sera boycottée par les ultras des deux équipes. Un éventuel aménagement de cette jauge devrait être annoncé d’ici au 29 juillet.
Depuis le début de cette crise dite du coronavirus, le monde des ultras n’a dans l’ensemble pas bougé d’un iota quand à sa position. Pour une majorité de supporters organisés, la tenue des compétitions dans le contexte sanitaire actuel reste tout à fait secondaire. Les ultras adoptent une attitude aux antipodes de celle des dirigeants du foot français dont ils fustigent l’indécence et l’obsession à reprendre coûte que coûte le chemin des compétitions, pour des motifs exclusivement économiques. Un discours sensé et plein de responsabilité qu’un grand nombre de groupes et associations de supporters avaient formulé dans un communiqué commun en avril dernier, à marquer d’une pierre blanche. Dans la continuité de cette prise de position, l’annonce du boycott de la finale par les ultras parisiens et stéphanois, est une décision plus que cohérente.
Les ultras restent opposés à un retour précipité
De la saison 2019/20 officiellement interrompue par le gouvernement, il ne subsiste que les deux finales de Coupe de France et de Coupe de la Ligue, maintenues avec une jauge limitée à 5000 personnes comme annoncé par le gouvernement pour les événements publiques. Après cette décision gouvernementale d’interruption qui allait dans le sens de leurs revendications, les supporters – sous l’égide de l’Association Nationale des Supporters (ANS) – n’ont jamais coupé le dialogue avec les autorités pour préparer le retour du public dans de bonnes conditions.
Le problème étant que la situation sanitaire n’a pas réellement évolué dans le bon sens, où en tous cas n’offre pas les garanties suffisantes d’un retour à la normale prochain. Les projections quant aux risques d’une « deuxième vague » contrarient de fait un retour en tribune dans des conditions habituelles. En cela, il y a peu de raisons de voir la position des ultras évoluer. Un rapport remis le 8 juin dernier par l’Instance Nationale du Supporterisme (INS) à la Ministre des Sports, Roxanna Maracineanu, fait à nouveau part de ce son de cloche assez univoque chez les supporters, à savoir : le “retour à la normale” sur le plan sanitaire doit précéder le retour aux terrains. « Les personnes interrogées préféreraient patienter davantage plutôt que de reprendre de façon anticipée à huis clos ou avec une jauge limitée qui impliquerait une sélection des supporters en droit d’accéder aux enceintes. »
Communiqué ANS
Retour au stade et charge contre les ultras: nous refusons toute responsabilité dans l’emballement médiatique de ces derniers jours et demandons au Ministère des Sports de siffler la fin de la partie afin de reprendre nos travaux sous les meilleurs délais. pic.twitter.com/Iy981o96Nn
— Asso.Nat.Supporters (@A_N_Supporters) July 21, 2020
Le boycott de la finale par les ultras en témoigne, cette histoire de jauge maximale, est loin de faire l’unanimité. Pour les ultras, le nombre limité de place pose un évident problème de tri qui est déjà en soi inacceptable. D’autant plus si on considère la limite dérisoire de cette jauge pour un événement comme une finale de Coupe de France, attendu depuis 38 ans par le peuple de Saint-Etienne dont les associations de supporters disposaient de 900 misérables places à se partager. La jauge est en effet limitée à 5000 personnes en tout dans le stade, staffs, officiels, journalistes, sponsors, accrédités compris. A l’échelle d’une finale de coupe, on évalue à 3500 le nombre de places réellement disponibles en tribune. Peau de chagrin. Et la certitude en prime d’un Stade de France sonnant bien creux du haut de ses 5 % de remplissage.
La jauge et le changement des « comportements » en tribune
Alors que la plupart des principales ligues européennes ont fait le choix de reprendre à huis clos, la jauge limitant à 5000 le nombre de personnes présentes dans le stade se présente autant comme une alternative au huis clos que comme une réponse symbolique au trou laissé par l’absence de recette de billetterie. Mais derrière ce « compromis » habile et le discours du type « c’est mieux que rien », il y a un entre-deux foireux qui prend les supporters en étau dans un contexte où il ne faut pas oublier qu’ils restent la cible de la répression des instances. La période de confinement de laquelle nous sortons ne doit pas fausser notre lecture de la situation. Le rapport parlementaire sur le supporterisme publié en mai dernier montre que, malgré la période incertaine, les ultras et leurs modalités d’animation des stades suscitent toujours autant de débats, quand ce ne sont pas des polémiques comme celle visant les ultras parisiens après le match amical PSG-Beveren au Parc des Princes.
Alors que certains y voyaient une sorte de galop d’essai d’application de la dite jauge, les ultras parisiens, accusés de ne pas respecter les gestes barrières (port du masque et distanciation physique), se sont retrouvés pris au piège d’un emballement médiatique. Pourtant, le fameux rapport de l’INS précisait bien que « Les personnes interrogées […] ont émis des doutes sur la compatibilité des recommandations sanitaires avec l’exercice de l’activité de supporters et l’animation en tribunes. » A-t-il au moins été lu ou est-ce un énième gadget du dialogue social à la sauce macronienne ? Les menaces de retour au huis clos lancées par Maracineanu donnent un début de réponse. L’ANS s’est d’ailleurs sentie obligée d’intervenir rapidement pour calmer le jeu.
Après avoir été parmi les seuls acteurs – avec le syndicat des joueurs – à refuser la reprise du championnat, les ultras se trouvent isolés et sous les feux d’une partie de la presse sportive et surtout des dirigeants de club qui cherchent à imposer un changement de comportement en virage au nom des protocoles sanitaires incompatibles avec le mode de supporterisme ultra. L’autre utilité du principe de la jauge est peut-être là: déplacer le débat sur le comportement des supporters plus que sur les conditions non-réunies de la reprise du football. Si le gouvernement n’augmente pas la capacité de la jauge, alors ce sera de la faute aux ultras ! Les dirigeants se déresponsabilisent et, à l’image de l’ANSLP (acronyme derrière lequel se regroupent les ligues professionnelles de football, de handball, de rugby, de cyclisme et de volley) proposent des sanctions ciblées. Le message est clair : s’il faut se passer des ultras, ils ne s’en priveront pas et agiteront le chiffon de la survie du secteur économique qui passe avant tout. On connaît déjà la chanson.
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