Serbie: une qualification et une célébration ultra-nationaliste

Les derniers matchs de qualification pour le Mondial au Qatar ont rendu leur verdict. Ces matchs ont à nouveau été l’occasion de revendications fascisantes, notamment de la part des joueurs serbes. Et comme souvent, peu de voix s’en sont émues.

S’il fallait retenir une surprise de la dernière fenêtre internationale de 2021, alors la qualification sur le fil de la Serbie aux dépends du Portugal tient la corde. Un but d’Aleksandr Mitrović à la dernière minute a envoyé Cristiano Ronaldo et ses coéquipiers dans des Barrages – auxquels prendra part l’Italie – qui délivreront les trois derniers tickets. C’est un petit exploit qu’ont réalisé les Serbes à l’Estádio da Luz dimanche dernier, et il a été bien mis en lumière par le monde médiatique. Beaucoup plus que les revendications ultra-nationalistes qui ont accompagnées les célébrations des joueurs et dont peu de médias se sont fait écho.

L’indépendance du Kosovo toujours pas digérée

Certes, les matchs internationaux ne sont pas l’apanage de la diffusion dans le football de la propagande xénophobe, ultra-nationaliste ou fasciste. Mais il faut reconnaître que les équipes nationales peuvent être un vecteur plus évident, en tous cas facile pour qu’elle s’exprime sous couvert de patriotisme festif ou d’unité nationale que ce soit en tribune, mais aussi sur le terrain par les joueurs eux-mêmes. Souvent tenus au sein de leur club à un devoir de réserve et à la neutralité sur des sujets de type politique, ils sont parfois beaucoup moins frileux quand ils enfilent le maillot national. On l’a vu dans un passé récent avec les joueurs croates ou turcs. Cette fois-ci, ce sont les joueurs serbes qui se sont “distingués”.

Sur son compte Instagram, Dušan Vlahović, buteur de la Fiorentina, a publié plusieurs photos où on le voit, à l’issue du match, portant un t-shirt à forte connotation irrédentiste et nationaliste. Un t-shirt au passage validé par la Fédération, porté aussi par ses partenaires Nemanja Radonjić et l’ex-strasbourgeois Stefan Mitrović (Getafe). De son côté, la Fédération de Football du Kosovo a fait part de son intention de porter plainte devant l’UEFA.

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Bien sûr, la portée politique de ce t-shirt ne saute pas aux yeux et mérite un décryptage. On y voit effectivement la carte de la Serbie intégrant le Kosovo dans ses frontières, suivis des mots “Veseli se srpski rode!” (qu’on traduit par “Réjouissez-vous peuple serbe!”). Un slogan qui est aussi le titre d’une chanson de Danica Crnogorčević, célèbre chanteuse connue pour sa proximité avec l’église orthodoxe. Dans cette chanson présentée comme “spirituelle”, et dont Novak Djokovic est aussi un grand fan, il est par exemple dit “Que le drapeau serbe flotte de Prizren à Rumija”. Des villes respectivement située au Kosovo et au Monténégro voisins, dont les ultra-nationalistes adeptes de la “Grande Serbie” ont toujours contesté l’indépendance.

Une chanson bigote et trois doigts

Veseli se srpski rode! est d’ailleurs connue un grand succès lors des manifestations menées par les ultra-orthodoxes contre la loi sur les communautés religieuses au Monténégro, début 2020. Avec cette loi, le gouvernement monténégrin voulait contraindre l’Église orthodoxe à justifier de titres de propriété pour tous ses biens antérieurs à 1918, sous peine de voir l’État les récupérer. Sur fond d’une histoire marquée par des années de guerre dans les Balkans, cette loi a ouvert un front à forte connotation religieuse et nationaliste. Les manifestations ont conduit à la défaite électorale des socialistes, au pouvoir depuis 30 ans, et à la victoire de l’opposition pro-serbe soutenue par l’Église.

Sur les différents clichés, on voit aussi les joueurs serbes répéter le même geste avec trois doigts. Même s’il existe des nuances dans son utilisation, ce signe est notamment connu comme “salut de Kühnen”, utilisé par les franges néo-nazies. Sur Twitter, le compte italien Pallonate in Faccia nous rappelle qu’en Serbie il s’agit d’une référence à la Sainte-Trinité chrétienne. Au fil du temps, c’est devenu un geste de ralliement de l’extrême droite serbe, pouvant symboliser également la Grande Serbie qui étend ses frontières jusqu’à la Bosnie et au Monténégro. Pallonate in Faccia ajoute: “Le signe des trois doigts avait déjà été fait par Ivan Bogdanov, le leader des ultras responsables des affrontements lors du match contre l’Italie en octobre 2010 à Marassi; pour tenter de calmer les esprits, Dejan Stanković et d’autres joueurs de l’équipe nationale s’étaient alors approchés du parcage en faisant également ce signe.”

Le 12 octobre 2010 à Gênes, l’Italie reçoit la Serbie dans le cadre des qualifications pour l’Euro 2012. Retardé de 35 minutes, le match a finalement été annulé après seulement 6 minutes de jeu en raison des jets de fumigènes des ultras serbes. Ce jour-là, les projecteurs sont braqués sur Ivan Bogdanovic.

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