Ultras: Napoli – Genoa, rupture d’un jumelage historique

C’est par un communiqué commun, daté du 8 avril 2019, que les Curva A et B du Napoli ont annoncé la rupture de leur jumelage, vieux de 37 ans, avec les ultras du Genoa. Cette annonce retentissante a plusieurs explications et illustre l’importance accordée au liens d’amitié ou de jumelage dans la culture ultra.

Le jumelage entre les ultras du Napoli et ceux du Genoa remontait à la fin de la saison 1981/82. Lors de la dernière journée, les deux équipes s’affrontent. La rencontre s’était soldée par un match nul 2-2, à l’issue duquel le Genoa sauvait sa peau en Série A alors que le Milan AC, rival du Napoli filait à l’échelon inférieur. Ce score et ses conséquences sportives célèrent alors le jumelage entre les deux tifoserie.

Dans son ouvrage de référence sur les ultras italiens, Sébastien Louis explique comment ce monde des supporters est quadrillé par un tissu parfois complexe d’amitiés et de rivalités entre groupes. Les motivations de ces amitiés et rivalités sont variées. Le campanilisme, qu’on peut définir par “esprit de clocher”, ancré dans la culture des stades italiens, fait de la rivalité géographique une des plus fréquentes. Mais ces amitiés ou rivalités peuvent aussi être d’ordre sportif ou politique. Et selon les liens qui unissent les deux tifoserie, la physionomie de la rencontre s’en trouve changée.

Dans la culture ultras, le jumelage est le lien le plus fort qui unit deux groupes, et se distingue de la simple amitié par son aspect formel et ritualisé. Lorsque leurs équipes respectives se rencontrent, les groupes jumelés ont l’habitude de faire un tour de terrain avant le match. Puis, ils se témoignent leur respect mutuel via des messages de sympathie affichés en tribune et évitent enfin toute violence ou insulte. A l’inverse, lorsqu’il y a rivalité, les groupes cherchent à en découdre et il n’est pas rare que des groupes amis viennent prêter main forte.

Tifo réalisé pour les 30 ans de jumelage par les ultras du virage nord du Genoa. (Genoa-Napoli, 29 janvier 2012)

Mais comme en amour, certaines relations sont fragiles, et certains jumelages cessent. Parfois en fonction des changement de génération, parfois au bout d’une longue histoire ponctuée d’une trahison ou d’un manquement à ce qu’implique un jumelage, parfois aussi à cause d’incompréhensions. D’autres traversent les décennies, Sébastien Louis cite dans son livre les jumelages historiques qui lient les tifoserie de Pesacara et Vicenza depuis 77, et celui unissant celles du Genoa et du Napoli depuis 82, comme “les plus solides”. Ce dernier est aujourd’hui obsolète.

Dans la confusion, un premier texte, présenté comme un communiqué officiel des Curva A et B, a été relayé sur de nombreux site. Ce texte mettait en avant des reproches très forts à l’encontre des ultras génois. Le communiqué commun authentique des ultras napolitains a été publié après. Même s’il annonce la rupture du jumelage, il insiste avec énormément d’affection sur ces quatre décennies côte à côte. “Nous n’oulierons pas le chemin parcouru ensemble, ni n’effacerons les moments passés ensemble.”

Même si on ne peut résumer la fin du jumelage à ça, d’après les Curva A et B, le point de rupture serait cette banderole de solidarité affichée par les ultras du Genoa envers ceux de l’Inter, alors que ceux-là mêmes avaient attaqué les Napolitains le 26 décembre dernier. Une banderole rendant hommage à l’ultra néo-nazi de Varese, dans le camp  interiste, mort à cette occasion. “On ne peut pas balayer 40 ans d’un revers de main, mais nous sommes aussi conscients des dernières erreurs réciproques. La dernière en date étant ces bannières déployées en l’honneur d’ennemis décédés qui avaient tenté une vile embuscade (et mal-exécutée) contre leurs propres amis.”  Une attitude qui n’est pas digne des liens entre les deux tifoserie et qui  semble suffisante pour mettre un terme à 37 ans de jumelage.

Le communiqué des Curva A et B du Napoli annonçant la fin du jumelage, intitulé “Tout a commencé en 82…”

 

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