Le cercle des compétitions disparues: La Coupe des Coupes

Sacrifiée il y a un peu plus de vingt ans sur l’autel d’une Champions League plus lucrative, la Coupe des Coupes (C2) suscite encore la nostalgie de bien des romantiques. Voici l’histoire d’une compétition mythique et de sa compatibilité impossible avec le football moderne.

Des buts inoubliables comme le lob victorieux de Nayim du Real Saragosse au bout de la prolongation face au Arsenal de David Seaman, Tony Adams et Ian Wright, au Parc des Princes en 1995. Des épopées comme celles de Magdebourg, Malines, Parme, ou du Real Saragosse ont écrit l’histoire de la Coupe des Coupes dont la dernière édition a vu la victoire de la Lazio en 1999. Remportée par le Paris Saint-Germain en 1996, la C2 est aussi le second et dernier trophée européen d’un club français.

Et que dire de la finale de 1981 qui voit l’équipe géorgienne du Dinamo Tblisi – alors représentant l’Union Soviétique – renverser le Carl-Zeiss Jena – vainqueur de la Coupe d’Allemagne de l’Est – dans ce que le magazine Four Four Two a qualifié sur son site de “finale la plus branchée de l’histoire du football européen“? Un “titre” qui aurait très bien pu être attribué à celle opposant l’Ajax au Lokomotive Leipzig en 1987 à Athènes, loin d’être dépourvue de cachet. Carl-Zeiss Jena et le Lokomotive Leipzig évoluent aujourd’hui dans le même groupe de 4e division allemande. Signe que la Coupe des Coupes est bel et bien rangée dans le tiroir d’un football d’un autre temps.

Naissance d’une coupe mythique

La Coupe d’Europe des Clubs Champions existe “déjà” depuis cinq ans quand a lieu la première édition de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe, appellation exacte de la “Coupe des Coupes”. Mais l’idée d’une compétitions réservée aux différents vainqueurs des coupes nationales sur le continent avait déjà été mise sur la table de l’UEFA dès 1956 par Alfred Frey, à la fois président du Wacker Wien et vice-président de la fédération autrichienne de football (ÖFB). Sa proposition avait alors rencontré une certaine hostilité au sein de la toute jeune instance européenne, créée en 1954. Qu’à cela ne tienne, le projet de l’ÖFB, qui prendra forme lors de la saison 1960/61, se passera dans un premier temps de la tutelle de l’UEFA. Son organisation se voit donc initialement confiée au comité de la Mitropa Cup. La première édition a des allures expérimentales. Dix équipes y prennent part. Ces dix pionniers ont donc permis à la compétition de se lancer. Et l’histoire retiendra que la Fiorentina, premier vainqueur de l’histoire de la Coupe des Coupes n’était, ironiquement, pas détenteur de sa coupe nationale. La Juventus ayant réalisé le doublé coupe/championnat lors de la saison 1959/60, c’est le finaliste qui a été convié.

Le club de Tottenham, vainqueur en 1963, pose avec la coupe et les fanions des adversaires affrontés: Rangers, Slovan Bratislava, OFK Belgrade et Atlético Madrid (©historyofsoccer.info)

Parmi les autres équipes engagées, seules six étaient les vainqueurs de leur coupe: Wolverhampton (Angleterre), Austria Vienne (Autriche), Mönchengladbach (RFA), Glasgow Rangers (Écosse), Dinamo Zagreb (Yougoslavie) et Lucerne (Suisse). D’autres pays comme la Hongrie et la Tchécoslovaquie n’avaient pas encore de coupe domestique. La Hongrie a donc envoyé Ferencvaros qui a terminé 2e du championnat, et la fédération tchécoslovaque choisit le Spartak Brno, vainqueur d’une compétition amicale. Le dernier engagé est le club est-allemand du Vorwärts Berlin, directement choisi par les autorités en lieu et place du Dynamo Berlin, vainqueur de la coupe mais jugé moins compétitif.

A l’image de la Coupe des Champions, la compétition propose un format simple à élimination directe, en match aller-retour, qu’elle conservera jusqu’à sa disparition en 1999. Seule la finale – hormis le contre-exemple de la toute première jouée sur un match aller-retour – se dispute sur un match unique et sur terrain neutre. A noter que trois finales ont dû être rejouées après s’être terminées sur un match nul, en 62, 64 et 71. Les tirs aux buts en cas d’égalité ont commencé à faire leur apparition en 1970, mais dans un premier temps les finales n’étaient pas concernés. C’est pourquoi, alors que la première séance de tirs au but en match international a eu lieu lors du 1er tour de la Coupe des Coupes 1970/71 (Honvéd Budapest – Aberdeen), la finale entre Chelsea et le Real Madrid, terminée sur le score de 1-1, sera rejouée deux jours plus tard. Il faudra attendre 1980 et Valence – Arsenal pour voir la première finale terminée aux pénaltys.

“La malédiction du tenant du titre”

Dès sa deuxième édition, la Coupe des Coupes passe sous l’égide de l’UEFA et grimpe à 23 équipes engagées. Sedan sera le premier club français à y participer. Éliminée au 1er tour par l’Atlético de Madrid – le futur vainqueur de l’épreuve – l’expérience a tourné court pour l’équipe ardennaise. Mais la compétition monte en puissance et dessine sa singularité. A l’inverse de sa grande sœur de la Coupe des Clubs Champions qui a vu le Real Madrid s’adjuger les cinq premières éditions, la Coupe des Coupes va s’avérer être un exemple rare, voire unique, de compétition où aucun vainqueur n’a été en mesure de conserver son titre en 39 éditions. La C2 ne connaît pas la routine. Une réalité qui s’explique aussi par un turn-over plus important en Coupe des Coupes qu’en Coupe d’Europe des Clubs Champions.

En 1973, le Milan AC entraîné par Nereo Rocco devient la première équipe à remporter une deuxième Coupe des Coupes (©acmilan.com)

Bien sûr, à plusieurs reprises on n’est pas passé loin d’assister à un doublé. A commencer par la Fiorentina dès la deuxième édition. La Viola sera battue par l’Atlético de Madrid. Après un match nul, la finale a été rejouée quatre mois plus tard, plusieurs des protagonistes ayant dû entre-temps partir au Chili pour jouer le Mondial 62. La saison suivante, ce sera au tour de l’Atlético de se heurter, face à Tottenham, à ce que Sam Carney a appelé dans un article publié par le Guardian, “la malédiction du tenant du titre“. Il faut même attendre la 13e édition, lors de la saison 1972/73 avec le Milan AC pour voir une première équipe remporter le trophée pour la deuxième fois. Encore en course pour conserver la coupe la saison suivante, les Rossoneri seront battus à Rotterdam par le surprenant FC Magdebourg, devant moins de 7000 personnes. Malédiction quand tu nous tiens!

Comme on l’a vu, les occasions de conjurer cette malédiction se sont présentées, même si seules huit équipes sont parvenues à participer à plus de deux finales. Ce qui réduit les possibilités. Malgré ses trois finales consécutives en 76, 77 et 78, Anderlecht n’y est pas parvenu. “Huit champions en titre ont échoué au dernier obstacle de leur défense du titre, mais huit autres n’ont même pas participé au tournoi la saison suivante. Le premier chiffre illustre pourquoi tant de fans sont tombés amoureux de cette compétition énigmatique, tandis que le second explique pourquoi le rideau est finalement tombé sur elle“, explique Sam Carney. La Coupe des Coupes cultive en effet un certain goût pour les outsiders.

La coupe des surprises

En étudiant le palmarès de la C2, certains noms et certains parcours attirent l’attention. L’une des plus grosses surprises reste probablement la victoire en 1988 du FC Malines, pour la première participation européenne de son histoire, face à l’Ajax de Rob Witschge, Aaron Winter et Danny Blind, et d’un jeune surdoué du nom de Bergkamp sur le banc. Avec l’arrivée comme sponsor de la société de télé-communication Telindus, dirigée par John Cordier, le club belge va bénéficier d’investissements conséquents qui vont lui permettre de passer un cap et de vivre son âge d’or entre 1986 et 1992. Toute proportion gardée, on pourrait faire un parallèle avec le Parme AC et le Parmalat de Calisto Tanzi, vainqueur de l’épreuve cinq ans plus tard face à Antwerp.

Aad de Mos, entraîneur du FC Malines, porté en triomphe par ses joueurs après la victoire en finale face à l’Ajax en 1988. (©Soenar Chamid via De Telegraaf)

Le FC Malines s’appuie sur une défense de fer et une colonne vertébrale Preud’homme-Clijsters-Rutjes-Koeman-Den Boer. L’équipe d’Aad de Mos, ancien entraîneur de l’Ajax, termine sa campagne européenne avec seulement 3 buts encaissés en 9 matchs. Son stade Achter de Kazerne a des allures de traquenard. Le Dinamo Bucarest, St.Mirren, le Dinamo Minsk et l’Atalanta s’y embourbent. Les Sang et Or belges doubleront ce titre, quelques mois plus tard, d’une victoire en Supercoupe de l’UEFA face au PSV Eindovhen, vainqueur de la C1. Pour le capitaine Lei Clijsters, “c’était une période inoubliable avec des matchs inoubliables, qui malheureusement ne pourront jamais se reproduire.”

A sa manière, le FC Magdebourg a aussi marqué les esprits de la Coupe des Coupes remportée en 1974 pour sa quatrième participation, alors qu’il n’avait jamais fait mieux qu’un 1/4 de finale (saison 1965/66). Un succès qui en a fait, par la même occasion, le premier et seul club est-allemand à décrocher un trophée européen. Sans aller jusqu’à la conquête du titre, la C2 a permis à tout un tas d’équipes de se distinguer. De par son format à élimination directe, quelques tours suffisaient pour atteindre les demi-finales. Citons le Sachsenring Zwickau (en 1975/76), Beveren et le Banik Ostrava (en 1978/79), le Waterschei Thor de Genk (en 1982/83) ou encore le Dukla Prague et le Bayer Uerdingen (en 1985/86). Des noms qui évoquent aujourd’hui un football révolu ou, pire, qui n’évoquent plus rien aux nouvelles générations.

Chronique d’un déclassement

Si les triomphes inattendus, comme ceux de Malines et de Magdebourg, sont considérés comme des exploits, c’est bien qu’il s’agit d’une compétition prestigieuse que les cadors européens n’ont jamais pris à la légère.  Du moins jusqu’à ce que la Champions League ne s’élargisse aux non-champions. Les clubs du “Big 4” (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne) se partagent ainsi 27 des 39 titres de C2. Le record étant pour le Barça, vainqueur à quatre reprises. Quand on sait que seulement quatre autres équipes l’ont remporté plus d’une fois (Milan AC, Chelsea, Anderlecht et le Dynamo Kiev), ça donne une idée de la performance des Catalans qui n’ont toutefois pas le record des participations, devancés par Cardiff City.

La Lazio de Bobo Vieri et Marcelo Salas devient en 1999 la dernière équipe à soulever la Coupe des Coupes, après sa victoire face au Real Mallorca.

Quand le Real Saragosse remporte l’édition 1994/95 devant Arsenal, le football européen a entamé sa mue libérale depuis 1992: instauration de la Premier League et de la Champions League, transformation des clubs espagnols en Sociétés Anonymes Sportives (SAD). En 1995, l’arrêt Bosman va servir de cadre à la dérégulation du football européen en faisant sauter la limitation du nombre d’étrangers dans son effectif, permettant à l’élite des clubs d’accumuler les stars.  Le décor est planté et, dans la continuité de la Chute du Mur de Berlin puis de la fin de l’URSS, les jours de la Coupe des Coupes sont comptés.

La cohabitation avec la Champions League va tenir le temps de quelques saisons. La modification du format de la compétition “reine” lors de la saison 1997/98 va sceller le sort de la Coupe des Coupes. L’ouverture de la C1 aux 2e des huit meilleurs championnats de l’UEFA et l’extension de quatre à six groupes vont mécaniquement l’affaiblir et avoir raison de son existence. Lors de la saison 1998/99, pour sa toute dernière édition, la Coupe des Coupes a même enregistré la participation du SC Heerenveen en tant que demi-finaliste de la Coupe des Pays-Bas. La C2 n’a plus de place dans les ambitions commerciales de l’UEFA et les vainqueurs des coupes nationales se verront dorénavant attribuer une qualification en C3 (devenue Europa League en 2009).

Bobby Moore, Gianni Rivera, Rob Resenbrink, Gaetano Scirea, Marco Van Basten, Bryan Robson ou encore Tony Adams ont soulevé cette coupe mythique. Alessandro Nesta, jeune capitaine de la Lazio âgé de 23 ans, a été le dernier à le faire. C’était un soir de mai 1999 à Birmingham.

(©historyofsoccer.info)

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