Une lutte infatigable, mon rêve accompli | par Keka Vega

©Tu otro diario

Alors que la Liga masculine a repris, la saison de Liga féminine a été définitivement arrêtée par la Fédération espagnole. L’inégalité de traitement entre les deux est loin d’être réglé. Peu avant la crise sanitaire du Covid-19, les footballeuses espagnoles venaient de franchir une étape cruciale dans la défense de leurs droits avec la signature historique d’une convention collective. Face aux incertitudes liées à la crise, l’ex-footballeuse Keka rappelle que la lutte est loin d’être terminée.

Texte publié par la Revista Libero | (trad. YDH)

L’année 2019 a été incroyable et cruciale pour le football féminin. Non seulement en raison des records d’audience et d’affluence dans les stades (n’oublions pas le succès sans précédent de la Coupe du Monde féminine disputée en France ou le match joué au Wanda Metrpolitano entre l’Atlético de Madrid et le FC Barcelone devant 60 739 personnes), mais aussi pour les justes revendications des footballeuses dans la lutte pour la régularisation et l’amélioration de leurs droits de travailleuses. Mais, si 2019 a été marquée par l’action revendicative, 2020 nous laissera deux journées que nous n’oublierons jamais. Le 18 février, jour où un pas en avant définitif a été franchi vers l’égalité, c’est le jour où a été signé la première convention collective du football féminin de l’histoire en Europe. Et le 14 mars, date à laquelle le gouvernement a décrété l’état d’urgence, ralentissant, comme dans d’autres domaines, la croissance que le football féminin avait nouvellement commencé à expérimenter avant le début de la pandémie.

Keka Vega Leandro a porté le maillot du Rayo Vallecano de 2006 à 2013 avant de partir jouer en Angleterre. Elle est aujourd’hui une des représentantes de l’Asociación de Futbolistas Españoles (AFE).

Je dois dire qu’il n’a pas été facile du tout de sceller cet accord historique. Plus d’un an de négociation, plus de trente réunions et même une grève qui a été un véritable succès avec la participation de 100 % des équipes de 1ère Division Féminine. Une prise de décision ne convenant qu’aux courageuses, comme le sont nos footballeuses, qui ont décidé d’arrêter le championnat lors de la 9e journée. Une action clé et décisive pour que les clubs et les syndicats parviennent à un préaccord. Il y a plus de vingt ans, bien avant que tout ça n’ait lieu, je rêvais de devenir un jour footballeuse professionnelle. Mon entraîneur de l’époque, mon père, ne m’a jamais expliqué que les footballeuses ne pouvaient pas vivre de leur métier, qu’elles n’étaient pas considérées comme des travailleuses et qu’elles n’avaient aucun droit. Par contre il m’a appris à me battre pour mon rêve avec la même intensité que lui s’est battu et a œuvré pour le football féminin.

J’ai grandi en le voyant organiser un championnat de football féminin dans ma ville, se battre pour obtenir un bout de terrain pour que je puisse m’entraîner, tout en cherchant des sponsors… En définitive, il a amélioré les conditions pour que moi et beaucoup d’autres filles ayons pu continuer à rêver. L’été dernier, j’ai mis un terme à ma carrière sportive après 14 années passées dans l’élite du football féminin espagnol. Durant toutes ces années, j’ai gagné des championnats, des coupes, j’ai participé à des compétitions européennes et j’ai même porté le maillot de la sélection nationale espagnole. J’ai réalisé tous mes rêves au sein du monde du football professionnel, mais je n’ai jamais pu avoir de document officiel comprenant mes droits en tant que travailleuse.

“Continuer à lutter”

23 ans plus tard, et en qualité d’ex-footballeuse et participante à la table des négociations de la 1ère Convention Collective, représentant le syndicat majoritaire l’AFE, j’ai assisté avec une trentaine de footballeuses, amies et ex-collègues, à un événement à l’Assemblée au sein de laquelle un hommage a été rendu aux femmes qui disposent enfin d’un cadre leurs reconnaissant des droits qui ne l’étaient pas jusqu’à présent. Un vrai tournant pour le sport féminin dont les principaux points sont : un salaire minimum à 16 000 euros bruts par an, un temps de travail de 35h hebdomadaires semestrialisées, des congés payés, maintien de 100 % du salaire en cas de maladie, une indemnisation de 60 000 euros en cas de décès et de 90 000 en cas d’incapacité permanente, et le prolongement automatique du contrat pour une saison supplémentaire et aux mêmes conditions en cas de grossesse d’une joueuse.

C’est, sans aucun doute, un moment unique qui changera à tout jamais nos vies. Aujourd’hui, le football féminin se voit menacé par les conséquences de la crise. Il nous incombera de continuer à lutter, une fois de plus, pour que ce qui a été investi avant la crise ne soit pas retiré au football féminin et pour ainsi poursuivre la dynamique enclenchée. Pour celles qui sont passées, celles qui sont là et celles qui viendront.

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