Après une parenthèse d’accalmie placée sous le signe du « dialogue constructif », la passe d’arme entre la Ligue de Football Professionnel (LFP) et l’Association Nationale des Supporters (ANS), au sujet de la criminalisation des supporters, a atteint un nouveau palier ces derniers jours.
Le ciel s’est à nouveau assombri sur la relation entre les représentants des associations de supporters et la LFP. Mais pouvait-il en être autrement ? La mise en place du tarif uniformisé à 10€ en parcage visiteurs, comme gage ultime de son ouverture au dialogue, par la LFP masquait un apaisement fragile. Il en va de même pour l’Instance Nationale du Supporterisme, née de la répressive loi Larrivé de 2016, et dont on peine à percevoir le poids réel même si l’ANS veille à ce qu’elle ne devienne pas un gadget décoratif.
Car jusqu’ici, la répression des supporters, n’a pas diminué. L’État, via les préfets, et la LFP, via sa commission de discipline, en sont les organisateurs. Sans compter certains clubs qui se retournent contre leurs propres supporters. Si les préfets de police, destinataires de la récente circulaire ministérielle leur demandant de se calmer sur les interdictions de déplacement, vont sûrement être contraint d’assouplir leur frénésie liberticide, la commission de discipline de la LFP tourne à plein régime. Depuis le début de la saison, le montant total des amendes qu’elle a délivré atteint déjà 538 500 euros, soit plus que pour le dernier exercice à mi-saison. Et nous n’en sommes qu’à la 14e journée.
Séance ordinaire au pays de la répression
C’est la commission de discipline du 20 novembre qui a mis le feu aux poudres. Comme à son habitude, elle n’a fait aucun “cadeau” aux supporters. Les sanctions financières se sont mécaniquement abattues sur les clubs. Une séance lucrative avec 190 500 euros d’amendes au total. Cette semaine, la commission a aussi prononcé la fermeture de trois tribunes. Les deux virages de l’OM se voient ainsi frappés d’une sanction de deux matchs avec sursis; la tribune Etang de Thau à Montpellier qui héberge la Butte Paillade 91, un match de suspension (par révocation d’un sursis); à Nantes, la tribune Loire prend deux matchs de suspension, dont un avec sursis. Dans les trois cas, les ultras célèbraient un moment spécial: les 20 ans de la Brigade Loire à Nantes, les 120 ans de la fondation du club à Marseille, la mort d’un membre de la BP 91 à Montpellier.
Il n’en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds l’ANS, qui a pourtant fait du dialogue avec les instances sa marque de fabrique. Dans un communiqué daté du lendemain, elle rappelle son désir de mettre en urgence sur la table la question des sanctions collectives, délivrées à la pelle par la commission de discipline et pour lesquelles elle demande clairement un moratoire. « Alors que les grands championnats européens ont peu à peu abandonné le recours aux sanctions collectives, la commission de discipline de la LFP s’est engagée dans une course en avant sans fin, vers toujours davantage de dogmatisme et d’injustice. »
Gare au modèle allemand !
L’instance n’a pas tardé à répondre, jugeant le communiqué de l’ANS “inutilement agressif”. La LFP, dont l’intérêt principal réside dans la commercialisation des droits de la L1 et de la L2, avait d’ailleurs pris l’habitude de se camoufler derrière « l’indépendance » de sa commission de discipline. Elle vole aujourd’hui à sa rescousse et à celle de son président. Arrivé à la tête de la commission en 2014, Sébastien Deneux est aujourd’hui sous le feu des critiques. Plusieurs banderoles sont apparues dans les tribunes, comme à Lens et à Nancy, et réclament sa démission. Surnommé « le cow-boy du far-west » par les ultras lensois, à travers lui c’est toute la mécanique répressive de la commission de discipline qui est dénoncée. Et notamment la pluie d’amendes délivrées hebdomadairement, assimilée à un « racket organisé » mettant la pression sur les clubs qui la répercutent sur les supporters.
Pour se défendre la LFP rappelle que le nombre de fumigènes est en nette augmentation. Trois fois plus que la saison passée. Si on veut une preuve de l’inefficacité de la répression contre les craquages de torches en tribunes, la voilà. Mais, la tête dans son guidon, la LFP ne semble pas prête mettre le frein. Côté supporters, la juste lutte contre ces sanctions collectives ne doit pas faire oublier celle toujours aussi nécessaire contre les sanctions individuelles, dont l’arsenal est déjà bien complet. Principalement usage d’engins pyrotechniques. En la matière, le modèle allemand, souvent convoqué comme exemple par les associations de supporters, s’il n’applique pas de sanctions collectives, ne doit pas faire oublier sa palette très répressive de sanctions individuelles, dont le durcissement prochain est à l’étude.
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