L’industrie du football à l’épreuve de la crise du coronavirus

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La crise du coronavirus a mis le football à l’arrêt sur l’ensemble du globe. Il s’apprête à affronter sa première crise d’ampleur mondiale, et les conséquences pourraient être désastreuses, en premier lieu pour les salariés des clubs touchés, dont les joueurs. On fait le point.

Les championnats sont à l’arrêt et ne voient pas vraiment le bout du tunnel. L’incertitude la plus totale règne. Que la saison n’aille pas à son terme est une hypothèse à prendre très au sérieux. Comme toute entreprise à l’arrêt, les clubs se dirigent vers d’importantes pertes financières. La crise du coronavirus met le football capitaliste à l’épreuve. Tous les patrons ont sorti la calculatrice, et les plus puissants font des pieds et des mains pour trouver l’issue qui limitera le plus l’impact financier sur leur club.

Concernant la situation des joueurs, la FIFPro, syndicat des footballeurs au niveau mondial, a tiré la sonnette d’alarme. Il craint que cette crise ne se traduise par une augmentation du chômage car les clubs seront moins enclins à recruter et réduiront leur masse salariale. Le syndicat rappelle aussi que « pour la grande majorité, une perte de salaire de deux ou trois mois est aussi menaçante que pour n’importe quel travailleur ». Et puis, les footballeurs et les employés des clubs payent déjà les premiers effets de cette crise avec de nombreux cas de mise au chômage partiel, mais aussi des coupes salariales annoncées.

Une fin de saison dans le meilleur des cas à huis clos

Limiter la casse, voilà la seule optique des capitalistes du football. Même si elles vont perdre de l’argent, les grosses cylindrées ont de la marge pour traverser la tempête. Les effets de la crise du coronavirus risquent d’être plus compliqués à encaisser pour certains clubs des divisions inférieures, beaucoup plus dépendants des recettes de billetterie (qui correspondent peu ou prou à leur marge de manœuvre pour survivre), notamment en Angleterre. Le cabinet KPMG a estimé les pertes entre 3,4 et 3,95 milliards d’euros en cas d’arrêt définitif de la saison, dont 300 à 400 millions pour la France. Inutile de préciser que cette optique est la pire pour le patronat du football au niveau européen.

C’est pourquoi l’optique d’une saison blanche, évoquée un temps par Jean-Michel Aulas, n’est plus à l’ordre du jour, du moins pour le moment. Les dirigeants privilégient de terminer coûte que coûte la saison, à huis clos s’il le faut. Boucler l’exercice en cours est un enjeu financier de taille pour les ligues, mises sous pression par les diffuseurs pour que les contrats des droits TV soient respectés. Hormis en France et au Portugal où les compétitions sont suspendues « jusqu’à nouvel ordre », certains pays ont déjà programmé une reprise du football assez rapide, comme en Allemagne. Mais au vu de la propagation de la pandémie, il très peu probable que les matchs reprennent aussi vite qu’espéré.

La Premier League anglaise, championnat le plus riche, s’est donnée plus de marge et a prévu de reprendre le 30 avril. En cas d’arrêt définitif, la perte y est estimée  à 1,2 milliard d’euros. Une somme qui prend en compte une partie des droits TV, mais aussi des partenariats, de la billetterie et des prestations diverses. Les patrons des clubs anglais sont évidemment prêts à finir la saison à huis clos si ça leur permet de garder intact le pactole des droits TV.

Mais, en cas de reprise trop tardive du football, les clubs et les instances vont être confrontés à un autre problème: le calendrier. Plus les semaines passent, plus il va être compliqué de finir dans les temps, à savoir le 30 juin. C’est la date initiale de la fin de la saison à laquelle nombre de contrats de joueurs arrivent à terme. En France, il s’agit aussi de la date d’examen des comptes des clubs par la DNCG. Quelle que soit la date de reprise, il va être périlleux de caler toutes les rencontres en retard, au risque d’imposer aux joueurs un calendrier dantesque, avec les risques de blessure que ça comporte.

Pistes ainsi envisagées

Jean-Michel Aulas propose notamment de mettre un terme aux compétitions européennes pour alléger ce calendrier et permettre de finir les championnats en priorité. Dans ce sens, l’Euro 2020 et la Copa América ont déjà été repoussés d’un an. Mais ça pourrait ne pas suffire. Certains clubs sont encore en lice dans plusieurs compétitions. A titre d’exemple, Manchester United aurait un potentiel de 18 matchs à caler entre le 30 avril et le 30 juin, ce qui semble intenable.

L’autre piste explorée par les instances, notamment au niveau de la FIFA, est de repousser cette date butoir au mois de juillet. Solution qui recueille les faveurs de la Fédération Française de Football et de la Ligue mais qui se heurte à la situation contractuelle des joueurs. Sera-t-il possible de prolonger de quelques semaines les contrats de joueurs libres au 30 juin? Certains joueurs ont déjà signé pour d’autres clubs, comme Hakim Ziyech de l’Ajax censé rejoindre Chelsea à compter du 1er juillet 2020. D’autres seront probablement en pleine négociation.

Si la FIFA accordait la possibilité de repousser la fin de la saison, il est probable que les clubs ne finissent qu’avec les seuls joueurs encore sous contrat. Même si en France, l’UNFP a l’air ouverte à l’idée d’avenants, en l’absence de conventions collectives, les négociations se feront individuellement, au cas par cas. Au terme de la saison, une partie de l’addition risque d’être payée par les joueurs. Certains resteront sur le carreau. Comme dans un plan social. Le nombre de premiers contrats pro sera sûrement réduit, laissant aussi des aspirants et apprentis en rade. Aux joueurs de parvenir à dépasser l’hyper-individualisme pour résister ensemble aux conséquences de cette crise sur leur condition.

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