Les mamelles de Parmalat: Retour sur une décennie parmesane

Après avoir été rétrogradé en Série D (4e div.) en 2015, le Parma Calcio 1913 est remonté en Série A en 2018, suscitant de nouveau l’intérêt d’investisseurs fortunés. Voici un exemple d’un club qui a été propulsé en quelques saisons seulement aux sommets du football européen suite à l’injection massive d’argent dans ses caisses. Dans le football moderne, le dopage financier peut transformer en peu de temps des clubs sans palmarès en machine à gagner. Mais la chute peut-être tout aussi vertigineuse que le succès est éphémère.

Dans les années 90, le club de Parme qui avait passé l’essentiel de son histoire dans les divisions inférieures, porté par le géant de l’industrie laitière, Parmalat et son président Calisto Tanzi, symbole de l’Italie berlusconienne, devient un acteur incontournable du Calcio et des coupes d’Europe. Le Parme de Tanzi intègre le très sélect cercle des “Sette sorelle”, comme on l’appelle en Italie, des clubs les plus puissants économiquement et donc sportivement: la Juventus de la famille Agnelli, le Milan AC de Berlusconi, l’Inter de Moratti, la Fiorentina de Cecchi, la Roma de Sensi et la Lazio de Cragnotti. L’histoire de Parme sera beaucoup plus courte. Dans le football moderne, le dopage financier peut avoir des effets immédiats et transformer des clubs lambdas en machine à gagner. Des machines à gagner éphémères dont la chute peut-être tout aussi vertigineuse.

Ascension express

Fondé en 1913, le club de Parme n’a pourtant rencontré le succès sportif que dans les années 90. Une parenthèse dorée dans une longue histoire anonyme dans les divisions inférieures, marquée par une première liquidation judiciaire en 1968. Le club ne se stabilise en Série B qu’à partir de la saison 86/87, avec à sa tête Arrigo Sacchi, qui rejoindra par la suite le Milan AC. La reprise du club en 1989 par le géant de l’industrie laitière Parmalat est pour beaucoup dans cette ascension fulgurante. Huitième entreprise italienne employant 35 000 personnes, Parmalat injecte d’importants fonds dans le club, ce qui lui permet de façonner son effectif au fil des saisons. Les premières recrues de renom, et les résultats sportifs, ne se font pas attendre. Dans la foulée, avec Nevio Scala à sa tête – nommé pour la saison 89/90 en remplacement de Giampiero Vitali – le club accède à la Série A pour la première fois de son histoire.

L’espoir suédois Tomas Brolin, le belge Georges Grün ou encore le gardien de but brésilien Claudio Taffarel, alors âgé de 24 ans, rejoignent le club. Suite à la mort du président Ceresini en 1990, Parmalat acquiert 98% du club. Son patron, Calisto Tanzi, devient le seul maître à bord. Il place alors à la tête du club Giorgio Pedraneschi, avant d’en confier les clés à son fils Stefano Tanzi de 1996 à 2004. Dès sa première saison dans l’élite, le club finit 5e et se qualifie pour la Coupe de l’UEFA, avant de gagner la Coupe d’Italie la saison suivante. Cette victoire face à la Juventus, club le plus titré d’Italie, emmenée par Roberto Baggio, inaugure la vitrine à trophées du club parmesan. Fort de ce premier titre national les Crociati vont enchainer, poussés par Parmalat et ses investissements. Entre temps, Alberto Di Chiara en provenance de la Fiorentina et Antonio Benarrivo de Padoue sont venus enrichir l’effectif. Recrutement très inspiré, à l’image de celui d’un tout jeune buteur colombien nommé Faustino Asprilla, véritable trouvaille, la saison suivante.

Les sommets européens

La machine est lancée. Le Parme de Nevio Scala ne tarde pas à se faire un nom sur les stades européens. Après un premier rendez-vous raté avec la Coupe de l’UEFA, éliminé au 1er tour lors de la saison 91/92 par le CSKA Sofia, les parmesans vont dès leur deuxième participation décrocher les étoiles en remportant la défunte Coupe des Vainqueurs de Coupe en 1993, face aux belges du Royal Antwerp (3-1). Dans la foulée, Gianfranco Zola et Massimo Crippa arrivent du Napoli ainsi que Roberto Sensini en provenance d’Udinese. Alors que seul Taffarel quitte le club, le Parme AC ne cesse de se renforcer et fait dorénavant partie des favoris des compétitions européennes dans lesquelles il est engagé. Le football italien domine ce début de décennie et égraine sa réputation tactique sur l’ensemble des terrains européens. Non sans se traîner une réputation de jeu ultra-défensif.

Si les défenses sont solides et l’efficacité offensive redoutable, le catenaccio est bel et bien mort. Le Milan AC de Sacchi l’a définitivement enterré et a révolutionné le football italien en faisant jouer ses équipes avec un bloc haut, en 4-4-2, et une défense en zone. Plus de libéro ni de marquage individuel. Nevio Scala développe une tactique plus prudente, avec un système moins “révolutionnaire” mais tout aussi efficace, avec son 3-5-2 considéré comme une évolution de la “zona mista” de la fin des années 70. Le coach des premiers succès sera néanmoins remplacé en 96 par Carlo Ancelotti. Deux saisons plus tard Alberto Malesani prendra le relai. L’équipe compte dans ses rangs un gardien qui s’affirmera au fil du temps comme le meilleur de sa génération: Gianluigi Buffon. Mais aussi une défense de classe mondiale autour de Fabio Cannavaro et Lilian Thuram, fraîchement sacré champion du monde, tout comme Alain Boghossian qui évolue dans un milieu de terrain où on retrouve l’historique Dino Baggio, mais aussi Diego Fuser, Juan Sebastian Veron. L’attaque s’appuie sur un duo d’enfer pour affoler les défense avec Hernan Crespo et Enrico Chiesa.

Quand Parmalat tousse, c’est le Parme AC qui s’enrhume

Lors de la saison 94/95, l’équipe a fière allure. Fernando Couto (24 ans) de Porto et Dino Baggio (22 ans) de la Juventus ont rejoint les Gialloblu. Parme finit la saison à la 3e place du championnat, mais surtout remporte un nouveau trophée majeur avec la Coupe de l’UEFA. Une nouvelle fois aux dépens de la Juventus. Dino Baggio, transfuge turinois, marque au match aller et au match retour, crucifiant ses anciens partenaires. Ces deux buts résumeraient presque à eux seuls le flaire des recruteurs parmesans. On croirait à une bonne étoile, mais l’essentiel de ce succès repose sur la firme Parmalat, et son patron Calisto Tanzi qui a propulsé le club à coup de milliards de lires. Recette simple dans un football où l’argent est pour beaucoup dans les résultats. Problème c’est aussi une recette qui offre un succès souvent éphémère. Même si le Parme AC remportera en 99 une seconde Coupe de l’UEFA, contre l’Olympique de Marseille.

Le nom de Tanzi appartient à la grande bourgeoisie parmesane, avec les Barilla. Dans l’Italie berlusconienne de la fraude fiscale, de la corruption et du trucage de comptes, autant dire que ces industriels semblent intouchables. A la façon d’un Berlusconi, Calisto Tanzi, en plus de posséder un club de football, avait aussi investi dans les médias, comme tout oligarque qui se respecte. Le type de personnage sur lequel on ne se presse pas pour enquêter. Trop de risques, sûrement, de tomber rapidement sur une magouille ou un détournement de fonds, comme celui d’environ 500 millions d’euros vers la société de sa fille. Une délinquance en col blanc qui est somme toute assez banale. D’autant que sous Berlusconi, la falsification des bilans financiers des entreprises a été dépénalisée. Parmalat va épuiser ce filon jusqu’à la moelle, trafiquant ses bilans pendant de nombreuses années pour dissimuler ses pertes, allant jusqu’à contrefaire des documents bancaire. Un petit manège qui a duré près de 10 ans.

Ça a été la goutte d’eau. La Bank of America a découvert la supercherie en décembre 2003. On parle alors de “l’affaire Parmalat” et d’un trou de 10 milliards d’euros. D’autres sources avancent même la somme de 13 milliards, soit 1% du PIB de l’Italie. Sur le plan sportif, le club a remporté son dernier trophée avec la victoire en Coupe d’Italie en 2002. Deux ans plus tard, le Parme AC est enseveli sous les dettes qui s’élèvent à 77 millions d’euros. La suite aussi est classique. Le club est contraint de se séparer de ses meilleurs éléments pour faire face à la crise. L’échéance est un peu retardée mais la fin est proche. Racheté en 2007, le club descend en Série B en 2008. Après être remonté dans la foulée, de nouveau endetté, il est déclaré en faillite et relégué en Série D en 2015.

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