Champion de 2e division après 13 saisons passées dans l’antichambre, le FC St. Pauli fera son retour en Bundesliga pour la saison 2024/25. Le club, qui jouit d’une réputation très marquée à gauche, a vu son aura internationale être abimée par son aveuglement pro-israélien. Plusieurs de ses fanclubs lui ont tourné le dos.
Ces derniers mois, l’image rebelle cultivée par le FC St. Pauli, qui lui a longtemps donné l’allure d’une enclave d’extrême-gauche au cœur du football moderne, a été sérieusement écornée. Né en 1910 dans le quartier du port d’Hambourg, le club de Sankt Pauli reste beaucoup plus célèbre pour sa réputation de club “anti-establishment” que pour son palmarès. Reconnaissable au Jolly Roger, le drapeau pirate qui lui sert d’emblème, il embrasse la juste cause des opprimés. Cette identité politique alternative et militante a commencé à prendre du poids dans les années 1980, à une période où l’extrême-droite s’installait dans nombre de tribunes européennes.
De club ordinaire de quartier, le FC St. Pauli allait devenir un club culte, aux tribunes peuplées d’étudiants, d’anarchistes, de punks et de squatteurs de la Hafenstrasse. Leur engagement va œuvrer à faire du club un espace antiraciste, antisexiste, et anti-homophobe; avec une structure associative favorisant la participation démocratique des supporters. Cette implication va se traduire par plusieurs décisions fortes comme le refus de tout naming pour le Millerntor-Stadion ou encore le retrait des publicités sexistes. Les fans préfèrent le slogan “Kein Mensch ist Illegal” (“Aucun être humain n’est illégal”), affiché fièrement dans le stade. Un soutien aux réfugiés que la création en 2014 du FC Lampedusa St. Pauli est venue renforcer.
Le club, qui a ouvert les portes de son stade aux manifestants contre le G20 d’Hambourg en 2017, n’a également pas hésité à se séparer d’un de ses joueurs pour son soutien à l’intervention militaire turque au Rojava. Plus récemment, après des années de partenariat avec Bwin, le FC St. Pauli a renoncé à être sponsorisé par les enseignes de paris sportifs. Pourtant des voix critiquent le caractère artificiel de cette image contestatrice d’un club trop conciliant avec le foot business. Les pirates ont laissé place aux “hipsters”, à l’image de la gentrification des anciens quartiers populaires d’Hambourg. Le FC St. Pauli est devenu un phénomène de mode. La faute à une posture militante diluée dans une stratégie commerciale rodée, basée sur un merchandising efficace.
Un repaire “antideutsch”
Ce mélange d’alternativisme et de marketing lui a permis de développer sa popularité au delà des frontières allemandes. Le FC St. Pauli fait d’ailleurs partie des quatre clubs allemands qui génèrent le plus de revenus par la vente de produits dérivés, avec le Bayern Munich, le Borussia Dortmund et Schalke 04. Son “expertise commerciale” ne laisse pas insensible. Entre 2017 et 2019, un surprenant partenariat a été conclu avec le club anglais Stoke City, propriété de l’enseigne Bet365, désireux de puiser des idées auprès du FC St. Pauli et de son “approche différente du business du football”.
Au 21e siècle, un grand nombre de fanclubs ont été créés à l’étranger. En Grande-Bretagne, en Grèce, en Catalogne, en Italie, à New York, au Canada, en Argentine et dans des dizaines d’autres pays, ils défendent la philosophie et l’image de St. Pauli. Pour certains de ces fanclubs, il s’agit autant d’un moyen pour lutter contre le foot business que pour intervenir sur des questions sociales ou sociétales. Mais depuis le 7 octobre 2023, ce rayonnement international, inédit pour un club de second rang, connaît une crise sans précédent.
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L’attaque terroriste menée par le Hamas et les représailles génocidaires de l’État israélien, a mis à jour des antagonismes irréconciliables dans la grande famille du FC St. Pauli, entre pro-palestiniens et pro-israéliens. Ce conflit interne couvait et allait tôt ou tard éclater. Il y a bien sûr les liens forts qui unissent les ultras allemands et ceux de l’Hapoël Tel-Aviv, qui ont perdu des membres le 7 octobre. Mais ce jumelage n’explique pas tout. Cette position des supporters allemands du FC St. Pauli – partagée par l’essentiel des ultras antifascistes du pays, comme ceux du Werder ou du Bayern – est notoire.
Tout juste le FC St. Pauli s’est-il contenté de déplorer une situation humanitaire “catastrophique” à Gaza, occultant le caractère asymétrique de cette guerre coloniale et relativisant les exactions de Tsahal. Derrière le soucis logique des dizaines d’otages retenus par le Hamas, l’argumentaire reprend la rhétorique occidentale de défense d’Israël, niant la réalité coloniale. A l’œuvre, la place prépondérante occupée par l’idéologie de cette frange de la gauche radicale allemande appelée “antideutsch” qui, derrière son rejet du nationalisme allemand, se caractérise par une défense aveugle du sionisme.
Produit du début des années 90, consécutif à la réunification, le mouvement repose sur la culpabilité historique, relative au passé nazi du pays et à la Shoah. “Ils souffrent d’une lecture germano-centrée de la colonisation israélienne. En découle un positionnement réactionnaire et raciste, conclusion logique du soutien sans faille à un état impérialiste et d’extrême droite”, explicite le MFC 1871 sur ses réseaux sociaux, qualifiant d’ailleurs St. Pauli de “Disneyland de l’antifascisme”.
Avant et après le 7 octobre
La plupart des groupes internationaux avait parfaitement conscience de cette spécificité de l’antifascisme allemand. Ils avaient malgré tout espoir que le club ne tourne pas le dos de façon aussi désinvolte aux droits humains basiques; qu’il ne se désintéresserait pas avec autant de morgue du sort des dizaines de milliers de Palestiniens, de tous âges, massacrés en direct par l’armée israélienne. A plusieurs milliers de kilomètres, le 7 octobre a eu pour conséquence de faire voler en éclat cette unité de façade derrière le FC St. Pauli. Son absence de soutien, comme la majorité de ses associations de supporters locaux, à la population civile gazaouie face aux exactions de Tsahal a déclenché un conflit interne entre une partie des fanclubs internationaux et le Fanclubsprecherrat, fédérant près de 500 groupes. La rupture s’est officialisée à travers un chassé-croisé de communiqués.
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Le déclencheur a été la prise de position du club condamnant “le fondamentalisme religieux, les violations des droits de l’homme et la brutalité indicible du régime du Hamas”. Ici, le problème n’est pas ce qui est formulé, mais ce qui ne l’est pas. C’est à ce silence qu’une quinzaine de fanclubs basés à l’étranger – notamment en Grèce, en Écosse ou en Catalogne – vont répondre trois jours plus tard. Dans un communiqué à forte teneur pacifiste, ils ont demandé à la direction de St. Pauli de “reconsidérer sa position”. Le Fanclubsprecherrat – conseil des fanclubs – y opposera, via un communiqué laconique intitulé “Terror is not resistance”, une mise en garde aux groupes accusés de “minimiser et légitimer les attaques terroristes du Hamas”. Dans une autre réponse, venue du site Magischer FC et signée d’une vingtaine d’entités, il est notamment affirmé qu’“il est antisémite d’insinuer qu’Israël équivaut à 75 ans d’′occupation injuste′”.
Pour l’organe de coordination des fanclubs du FC St. Pauli, l’expression du soutien à la Palestine n’est pas en conformité avec les valeurs du club. Les groupes qui s’y sont risqués ont été taxés de “sympathisants du Hamas” ou d’“antisémites”. La virulence des positions pro-israéliennes des fans allemands du club, disqualifiant de facto la solidarité à la résistance palestinienne, a rendu impossible tout échange. S’en est suivi un certain nombre de mises en sommeil et d’auto-dissolutions, que ce soit en Catalogne, au Pays basque, en Turquie, en Grèce ou en Écosse. “S’il ne peut y avoir qu’un camp et une seule version des événements, ignorant le meurtre indiscriminé de civils, l’apartheid, l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens, nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne sommes définitivement pas à notre place”, a par exemple expliqué la section de Bilbao qui a cessé ses activités après six ans d’existence.
Ces tensions ont aussi eu raison de l’amitié entre les Ultras St. Pauli et leurs homologues écossais du Celtic, connus pour leur anti-colonialisme et leurs sympathies pro-palestiniennes. Fin octobre 2023, le virage de St. Pauli avait exhibé le message “De Glasgow à Gaza – combattre l’antisémitisme, Libérer la Palestine du Hamas”. La réplique n’a pas tardé avec une banderole “Fuck St. Pauli – Libérer Hambourg des hipsters”. Ces derniers mois ont clarifié le militantisme autour de St. Pauli qui – même si ses fanclubs argentin, francophone ou italien lui sont restés fidèles – semble s’être isolé sur la scène internationale. Il ne fait aucun doute que l’image du club a déjà profondément changé. A l’avenir, il sera difficile pour la majeure parler de la gauche antifasciste de parler de St. Pauli avec fierté.
j’aimerai beaucoup savoir d’ou vous sortez la theorie des antideutschs? elle n’est en effet plus tres actuelle. les fanclubs qui ont signe la lettre publiee dans le magischerFC renient surement l’etat allemand et ressentent une solidarite avec l’etat d’israel (tout en critisant son gouvernement d’extreme droite) mais ne se sentiront pas forcement antideutsch. un mouvement qui a en grande partie disparu pendant les dernieres 10 annees et qui n’est certainement plus preponderant.
vous pourriez essayer de contacter des fanclubs au lieu de reprender des textes qui ne disent pas forcement toute la verite. il faut preciser que de plus de 500 fanclubs il y avait 70 fanclubs internationaux avant le 7 octobre et que seulement 15 on signe la lettre critisant la position du fc st.pauli (4h apres les attaques. depuis le conflit a bien evolue). de ses 15 fanclubs, environ la moitie se sont dissolus. moins de 10 fanclubs sur 70 internationaux. cela ne fait pas beaucoup, mais cela fait bien beaucoup de bruit. est-ce que cela en fait assez pour abimer une aura internationale? les derniers mois, des vingtaines de fanclubs venus d’italie, france, grece, turquie, israel, etats unis, argentine,… on visite leurs amis au millerntor stadion. peut-etre est-il que votre article soit un peu exagere.
Le conflit israelo-palestinen est un leurre et un piège pour toute la gauche européenne.