Durruti et ses héritiers balle au pied: le Radical Contra FC

Il y a 85 ans, mourrait l’anarchiste Buenaventura Durruti. Si la thèse accidentelle a longtemps été retenue comme officielle, celle d’une balle stalinienne est aujourd’hui la plus plausible. Sa cote de popularité reste intacte, et sa mémoire honorée aux quatre coins du globe, jusque sur le maillot d’un petit club brésilien.

Des figures libertaires de la Guerre d’Espagne, il est la plus célèbre. De ceux qu’on ne taxera jamais d’avoir été un “anarchiste de gouvernement”. Beaucoup plus rare que celle “commerciale” d’un Che Guevara, détournée et usée jusqu’à la corde, l’effigie de Durruti incarne toujours aujourd’hui la fidélité à l’idéal révolutionnaire et la lutte sans concession face au fascisme. Alors en faire l’emblème de son club comme le fait le Radical Contra FC créé un soir de mars 2015 à Rio de Janeiro, ça pose les choses. “Sans tomber dans le culte de la personnalité ou tout autre piège d’une idéalisation romantique, c’est notre manière de rendre hommage au plus célèbre supporter de l’action directe lors de la Révolution Espagnole de 1936“, expliquent les membres du club dont la devise est du même acabit: “Nosso ataque é uma linha de frente e nossa defesa é uma barricada! / Notre attaque est une ligne de front et notre défense une barricade!”

Avant ça, le Club Esportiu Júpiter

Loin des tractations et des coulisses du pouvoir républicain, la ligne de front était le poste de prédilection – si on peut parler ainsi – de Durruti qui forçait l’admiration et la confiance des ouvriers révolutionnaires. Quelques jours après sa mort, des centaines de milliers de personnes – son biographe Abel Paz parle de 500 000! – avaient accompagné sa dépouille au cimetière de Montjuïc à Barcelone, alors le centre névralgique de la révolution. C’est qu’avec ses camarades du groupe “Nosotros”, il avait, les armes à la main, victorieusement participé à la défense de la ville le 18 juillet 1936, mettant en déroute les militaires factieux. Son meilleur ami Francisco Ascaso a d’ailleurs laissé sa peau dans ces combats.

Ce jour-là, ils étaient partis à l’abordage des casernes depuis le quartier ouvrier de Poblenou où vivait la majorité d’entre eux. C’est de l’appartement de Gregorio Jover qu’ils avaient planifié leur opération. Ils avaient vue sur le stade du Club Esportiu Júpiter qui allait servir de point de ralliement aux ouvriers du quartier au moment de grimper dans les camions – préalablement réquisitionnés et équipés de mitraillettes – pour passer à l’action rapidement à l’annonce du soulèvement militaire.

Le Júpiter aussi n’était pas un club comme les autres. Il était connu pour avoir déjà eu maille à partir avec la dictature de Primo de Rivera qui a voulu lui faire payer son catalanisme au milieu des années 20. Une époque où la légende raconte les militants anarchistes profitaient des déplacements de l’équipe pour transporter des pistolets en pièces détachées, cachés à l’intérieur des ballons. La légende aime aussi raconter que Durruti était un fervent supporter du club qui, fort de près de 3000 socios, était très populaire au sein des ouvriers de Poblenou.

Un club anarchiste dans le fond et la forme

Plusieurs décennies les séparent, mais comme l’illustre guérillero qui orne son maillot – rappelant au passage celui des Corinthians de Socratés – le Radical Contra FC n’a pas peur des ruines et porte un monde nouveau dans son cœur. “Pas de capitaine, pas d’entraîneur ni de dirigeants sous quelque forme que ce soit, le Radical Contra FC est autogéré par ses joueurs et refuse, non seulement toute forme d’autoritarisme mais aussi le principe même d’autorité. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos rangs: zéro hiérarchie!

Mais Durruti n’est pas sa seule source d’inspiration. Le Radical Contra FC reconnaît s’inscrire dans les pas d’équipes anarchistes paulistas comme Rosanegra Ação Direta e Futebol ou Autônomos FC. Et pour expliquer l’origine de sa création, le club populaire carioca insiste sur l’influence directe d’expériences locales comme le Trem da Alegria, une équipe itinérante joignant football, musique et débat politique, lancée en 1975 et redécouverte à l’occasion du documentaire Barba, Cabelo & Bigode sur les anciens joueurs Afonsinho, Paulo Cézar Caju et Nei Conceição… qui, comme une boucle bouclée, est aujourd’hui le principal soutien du Radical Contra FC, dont il lui est arrivé d’enfiler le maillot. Voilà le club sérieusement armé pour les compétitions alternatives auxquelles il participe.Avec Durruti sur la poitrine et Nei Conceição comme mécène, le Radical Contra FC ne peut pas oublier, à chaque fois qu’il pénètre sur le terrain, que le principal enjeu reste la liberté.”

 

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