Le Covid-19 n’y a rien fait, Roman Zozulya reste un « putain de nazi »

Pour son grand retour, le football espagnol ne pouvait proposer un clin d’œil plus cynique avec cette deuxième mi-temps du match entre le Rayo Vallecano et Albacète, interrompu le 15 décembre dernier après le refus des joueurs d’Albacète de revenir sur le terrain après la mi-temps, en solidarité avec leur partenaire Roman Zozulya, cible de slogans anti-nazis de la part des supporters du Rayo.

Les instances du football espagnol ont sûrement fait les choses dans l’ordre. Avant de passer à la 28e journée de Liga et à la 32e journée de Liga Adelante (la deuxième division), il fallait bien jouer les 45 minutes manquantes de ce Rayo – Albacete si controversé. Le 15 décembre 2019, on jouait alors la 20e journée et le Rayo Vallecano (14e) recevait Albacète (9e). Pour l’occasion, les supporters du Rayo, notamment les Bukaneros 92, principal groupe ultra du club, avaient réservé à Roman Zozulya un petit accueil personnalisé, à la hauteur des opinions politiques affichés par l’attaquant ukrainien qui évolue à Albacete depuis septembre 2017. Ils l’ont secoué à coups de slogans anti-nazis bien sentis et une large banderole « Empêcher un nazi d’enfiler la Franja. Check! »

La « Franja » c’est la bande diagonale rouge si caractéristique qui orne le maillot du Rayo, et par extension le maillot tout court. Un maillot que Roman Zozulya était à deux doigts de porter en janvier 2017. La banderole fait d’ailleurs explicitement référence à cet épisode en forme d’aller-retour express de Zozulya du côté du Rayo, prêté par le Bétis Séville. Au fait de ses idées et prises de position politiques en faveur des miliciens nationalistes ukrainiens au Donbass, le peuple du Rayo Vallecano, historiquement attaché aux valeurs ouvrières et antifascistes du quartier de Vallekas, s’était fermement opposé à sa venue. En cause, plusieurs clichés du joueur montrant ses sympathies envers la mouvance nazie ukrainienne. Son portrait aux côtés d’une image de Stepan Bandera, figure du nationalisme ukrainien ayant collaboré avec le IIIe Reich, ou encore sa photo en tenue paramilitaire, utilisée dans les clips de recrutement du Bataillon Azov (qu’il a par ailleurs appuyé financièrement), ne laissent pas de place au doute. Même si dans toute cette histoire Zozulya a adopté une position victimaire, se défendant d’être “seulement patriote”.

Les supporters rayistas avaient manifesté leur hostilité à ce recrutement. Aux abords du centre d’entraînement, tout comme durant le match de championnat qui avait suivi l’arrivée du joueur, ils avaient mis la pression sur la direction du club. Si bien que Zozulya, malgré le soutien des instances dirigeantes, avait préféré faire marche-arrière et rentrer à Séville. Un camouflet autant pour le président de la Liga Javier Tebas – lui-même ancien franquiste et sympathisant du parti d’extrême-droite Vox – que pour celui du Rayo, Raul Martin Presa. Cette histoire avait alors illustré et creusé le conflit irréconciliable entre le peuple des tribunes et les dirigeants ne pensant qu’à faire des affaires.

Face aux slogans antinazis dont Roman Zozulya a été la cible pour son “retour” à Vallekas lors de cette 20e journée de Liga Adelante, les instances ultra-réactionnaires du football espagnol ont à nouveau pris fait et cause pour lui en sanctionnant le Rayo Vallecano. Sans surprise, Raul Martin Presa a également choisi son camp en condamnant publiquement les ultras de son club, les Bukaneros avec qui il est en guerre depuis de nombreuses années.

Cinq mois et 26 jours plus tard

Le club s’était vu infligé par la Fédération d’une amende de 18 000€ pour « chants et insultes répétées » et de deux matchs à huis clos partiel. En l’occurrence les deux derniers matchs avant l’interruption des compétitions par la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus. Bien sûr, la deuxième mi-temps contre Albacète devait aussi se jouer à huis clos. Ironie du sort, c’est exactement dans ces conditions – mais pour d’autres raisons – que ce mercredi 10 juin, les deux équipes se sont retrouvées, sonnant  la reprise de la Liga après trois mois d’interruption.

Cinq mois et 26 jours plus tard, Zozulya a donc pu fouler la pelouse de l’Estadio de Vallecas sans avoir à essuyer les quolibets des supporters antifascistes. Il en est reparti une défaite dans la musette (1-0, but de Luis Advíncula). Pas de chants cette fois-ci, contre l’attaquant ukrainien, mais une belle banderole accrochée devant le stade : « Zozulya était, et continue d’être, un putain de nazi ».

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